Goitein, Shelomo Dov | Perta, Giuseppe

606 Goitein, Shelomo Dov L’analyse de la société musulmane (voir le chapitre sur le « gouvernement musulman ») se révèle de la même manière détaillée et utile pour connaître le fonctionnement de l’administration fatimide du point de vue des minorités. D’une part, le pouvoir local garantit la liberté d’interaction, d’autre part, ceux qui ne s’acquittent pas de l’impôt par tête sont soumis à la résidence surveillée jusqu’au paiement des arriérés. Même la famille patriarcale de la Genizah reflète un modèle méditerranéen, « extended, of strong cohesiveness, great reverence to the senior members, prominence in the house of the old lady who presides over a bevy of daughters, daughters-in-law, and grandchildren, tender care of brothers for sisters and vice versa, and in general a stronger emphasis on the ties of blood than on those created by marriage .  » ( A Mediterranean Society , I, p. 73). Mais dans quelle mesure les gens de la Genizah peuvent-ils se présenter comme représentatifs de la société méditerranéenne ? Goitein retrace essentiellement une société méditerranéenne, et non pas la société méditerranéenne. Cependant, s’il est vrai que la personnalité émergeant des documents de la Genizah ne peut pas représenter un type humain hypo- thétique commun à l’ensemble de la macro-région (pour éviter le malentendu, au dernier moment, Goitein a changé le titre du cinquième volume qui, initia- lement, s’appelait The Mediterranean Mind ), il est également vrai que les docu- ments de la Genizah sont simplement la preuve que les relations entre les peuples de la mer allaient bien au-delà du commerce, contribuant à façonner au cours des siècles un prototype de sociabilité qui donne une grande valeur aux relations interpersonnelles, à la rencontre de nouvelles personnes tout en sauvegardant les anciennes amitiés, qui privilégie la solidarité par rapport à l’individualisme de matrice atlantique. Goitein n’est pas seulement historien et philologue ; il a, en tant qu’ethno- graphe, consacré plusieurs années à l’étude de la langue, de la vie quotidienne et de la spiritualité des juifs yéménites à travers un travail de terrain qui, dans les années 1950, l’a mis en contact avec les communautés émigrées en Israël après la fondation de l’État. Ses connaissances linguistiques lui ont permis de pénétrer au cœur de ceux qu’il définit comme « les plus juifs et les plus arabes parmi les Juifs ». En raison de leur relatif isolement et de l’affection pour les principes du judaïsme primitif, dont ils préservent les traditions et les particu- larités, les Yéménites ont été jugés par Goitein comme les « vrais Juifs », c’est-­ à-dire comme le groupe qui offre une représentation vraisemblable de la façon dont une communauté juive aurait vécu durant l’époque qui précède l’exil. L’origine de la présence juive au Yémen, même si elle est incertaine, remonte au moins à l’époque préislamique ( From the Land of Sheba: tales of Jews of Yemen , Schocken Books, 1947). Sous le statut de dhimmi – les seuls dans le pays –, ils se sentaient en sécurité en travaillant comme marchands, colporteurs, tailleurs,

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