Géographie | Cattedra, Raffaele

Géographie 593 à la fois ses aspects physiques et humains. Elle est présentée dans l’un des cha- pitres du premier volume de sa Nouvelle Géographie universelle (1875). La vision reclusienne humanise la mer. Elle attribue à la Méditerranée, qui cette fois-ci est « mer de jonction » entre les trois continents, une fonction civilisatrice et lui accorde une valeur universaliste (vulgarisant en quelque sorte ce que Chevalier avait déjà proclamé dans les années 1830). Mais c’est précédemment, et par le truchement de la géographie botanique, que s’opère l’identification d’une « région méditerranéenne » proprement dite. Dans ses travaux publiés entre 1805 et 1820, le botaniste suisse Augustin Pyramus de Candolle la distingue ainsi parmi vingt régions botaniques de la Terre, du fait de la similitude des végétaux que l’on y trouve (Drouin, 1998, p. 153). Le dernier quart du xix e siècle voit d’ailleurs progresser, en lien avec le développement de la géographie humaine, les acquis scientifiques en climatologie qui mènent à la reconnaissance d’une spécificité du climat méditerranéen (notamment grâce au géographe allemand Theodor Fischer), participant à consolider l’existence géographique de l’objet en question. Paul Vidal de La Blache, fondateur de la géographie académique française, dès la leçon d’ouverture de son premier cours universitaire, intitulée « La péninsule européenne : l’Océan et la Méditerranée » (1873), veille à associer l’histoire de la Méditerranée à celle de la Civilisation, mais en ramenant explicitement cette dernière vers le foyer européen. C’est l’héritage de Vidal, son modèle « possibi- liste » construit sur les notions de « milieu » et de « genre de vie » (notamment dans les Principes de géographie humaine , 1921), qui passera chez Braudel, faisant abstraction – notons-le – de toute référence à Reclus. Dans la première moitié du xx e siècle, les géographes qui s’occupent du « monde méditerranéen » (Sorre et Sion, 1934), notamment français, ou qui n’en étudient que certains aspects ou milieux régionaux, s’appuient généralement sur la grille d’analyse vidalienne et restent volontairement descriptifs (Claval, 1988). Mais les perspectives d’ana- lyse ne sont pas convergentes. La plupart développent une approche écologique (milieux naturels, contraintes et facteurs climatiques, végétation et paysages, nomades et sédentaires, monde paysan et structures agraires) d’où ressort une « impression » unitaire de la Méditerranée, bien que fondée sur ses contrastes aigus (montagnes surplombant la mer et plaines exiguës, déserts s’estompant âpre- ment sur la mer…) (Parain, 1936 ; Deffontaines, 1948). D’autres y ajouteront ensuite l’analyse du monde industriel et des trafics maritimes. Le monde antique, et tout particulièrement l’apport gréco-latin, nourrit leur vision classique, allant jusqu’à justifier la colonisation en tant que restauration de ce que Rome avait jadis établi. Se plaçant dans le sillon d’une « anthropogéographie » historiciste, l’ou- vrage publié par l’Américaine Ellen Churchill Semple en 1931, The Geography of the Mediterranean Region , propose une interprétation déterministe qui sera très critiquée, où il est soutenu que les effets du climat et du soleil déterminent le

RkJQdWJsaXNoZXIy NDM3MTc=