Genre | Rebucini, Gianfranco

Genre 588 pratique religieuse genrée, ainsi que de la place des femmes dans la société. Cette tradition féministe est arrivée dans certains cas à influencer les revendications de réformes dans la législation concernant le droit de la personne, notamment au Maghreb. Dans un autre registre, les travaux de Katia Boissevain (2006) sur le culte d’une « sainte » en Tunisie montrent les spécificités genrées dans la pra- tique religieuse de la part des pèlerins : hommes et femmes. Les travaux concernant le masculin et les hommes pour les sociétés islamiques contemporaines demeurent encore rares et souvent inspirés par une tradition culturaliste qui les enferme dans une cohérence surdéterminée, inspirée par le religieux comme facteur culturel unifiant. Les études consacrées aux masculini- tés en soi, comme objet privilégié et dans la perspective du genre dans le monde arabe méditerranéen, sont encore à venir. En revanche, ces dernières années, on a pu constater l’émergence d’un cou- rant d’études concernant le monde islamique et s’intéressant aux sexualités, notamment à l’homoérotisme masculin, à partir d’analyses historiques et lit- téraires pour la plupart (Dakhlia, 2007). Ces études cherchent à remettre en perspective la question des sexualités masculines avec le problème plus géné- ral de la construction des genres. Masculinités et féminités sont mises à contri- bution pour éclaircir les conditions de l’émergence et de la reproduction des sexualités homoérotiques dans le monde islamique. Ces recherches peuvent être d’un intérêt heuristique tout particulier pour la question des genres en Méditerranée, tant elles cherchent à se démarquer d’une vision culturaliste fondée sur une prééminence de l’islam en tant que référent culturel totalisant, laissant un espace très grand à un comparatisme avec l’Europe, mais aussi avec d’autres contextes culturels contemporains des époques étudiées. C’est en effet sur un manque de comparatisme que les études sur le genre en Méditerranée achoppent le plus souvent. Il semble bien que les changements socio-économiques et culturels intervenus durant les dernières décennies dans les pays du Sud de la Méditerranée ont per- mis l’émergence des identités sexuelles comme l’homosexualité, à côté des pra- tiques homoérotiques (Rebucini, 2013). L’identité sexuelle fait désormais partie de la panoplie des catégories utilisées pour classifier, séparer et reconnaître des agencements corporels concernant les pratiques sexuelles des hommes. La dis- tinction taxinomique homosexualité/hétérosexualité et gay/hétéro est de plus en plus présente dans les discours médiatiques, intellectuels, et de la vie de tous les jours pour caractériser de nouvelles configurations identificatoires de la per- sonne. Les discours politiques, modernistes ou islamistes se servent de l’homo­ sexualité comme d’un théâtre de lutte, le plus souvent idéologique, pour affirmer un discours pour ou contre la « modernité/progrès » et/ou l’« Occident », ces deux termes étant souvent synonymes dans les usages. Par ailleurs, des associations

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