Galères | Zysberg, André

Galères 581 Galères de guerre ou de commerce, tous les marins de la Méditerranée médiévale étaient encore des hommes libres. Cependant, nous savons que la condition des gens de mer se dégrade au cours du xv e siècle. Le recrutement des équipages devient de plus en plus difficile. L’État armateur des galères de guerre fait désormais appel à deux nouvelles catégories d’hommes de vogue : des forçats et des esclaves. L’emploi des esclaves est lié au développement de la guerre de course entre la Croix et le Croissant. Les petits États corsaires se constituent à Alger, à Mahdia, à Malte, à Pise, à Naples, dans les îles grecques, sur tout le pourtour de la Méditerranée. Les hommes capturés en mer ou lors de razzias opérées sur la côte sont vendus sur des marchés pour servir sur les galères. Ce système odieux perdure jusqu’à la fin du xviii e siècle. Une autre res- source humaine provient des tribunaux qui prononcent désormais des peines de galères contre des hommes coupables de crimes, mais aussi de petits délin- quants, voire des vagabonds. En temps de guerre, les pays méditerranéens vident leurs prisons pour peupler les galères de combat, qui sont désormais armées « par force », d’où le nom de forçats. C’est le cas de la France, de l’Espagne, des États italiens et de l’Empire ottoman. Captifs et forçats constituent la chiourme, terme d’origine turque signifiant l’équipage enchaîné d’une galère. Cependant, on trouve encore des rameurs volontaires ou bonevoglie en petit nombre sur les galères. Cette mutation essentielle s’accomplit au cours des années 1470‑1500. Elle change l’image des galères, qui sont perçues comme des navires-prisons, où souffrent des esclaves et des condamnés. À titre d’exemple, pendant le règne de Louis XIV, la flotte des galères du roi de France, sans doute la plus puissante de la Méditerranée, compta 40 unités sur lesquelles il y avait 12 000 hommes de chiourme. Cette flotte était basée à Marseille, où l’on avait construit un splendide arsenal. Au cours de la même période, le mode de propulsion des navires à rames évo- lue. Selon l’image de Fernand Braudel, l’artillerie a escaladé la poupe des galères. Même si leur artillerie embarquée reste modeste (3 canons à proue et des pierriers alignés sur le plat-bord), on a élargi le châssis des galères pour supporter le poids des armes à feu et des soldats embarqués. Il a fallu également accroître la force de propulsion avec un plus grand nombre d’hommes de vogue et des rames plus longues. Il y eut désormais 5 hommes par banc qui tiraient une rame unique. La galère de l’époque classique devient un vaisseau long d’une cinquantaine de mètres et d’une dizaine de large, sur lequel s’entassent environ 450 hommes : 260 rameurs, une centaine de soldats, une cinquantaine de mariniers (pour la manœuvre du gréement), une quinzaine d’argousins pour surveiller la chiourme, une dizaine d’officiers et de sous-officiers pour commander tout cet équipage. La marge d’autonomie de ces bâtiments est limitée par la durée de la cargaison d’eau, qui ne dépassait pas une semaine.

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