Frontière | Cattaruzza, Amaël; Sintès, Pierre

Frontière 570 légale, une fiscale et une de contrôle. La fonction légale correspond à la délimi- tation d’une « aire territoriale à l’intérieur de laquelle s’applique le droit positif d’un État ». La fonction fiscale permet de « défendre le marché national par le prélèvement de taxes sur les produits étrangers », d’« alimenter un budget » et de « jouer le rôle politique économique rudimentaire ». La fonction de contrôle, enfin, « ressortit à la surveillance des hommes et des biens au moment du fran- chissement de la frontière : contrôle des mouvements migratoires, contrôle des capitaux et des biens. Tout contrôle joue sur des critères qui résultent de poli- tiques économiques, sociales et culturelles » (Raffestin, 1986, p. 13). Ce contrôle est traditionnellement dévolu à la police des frontières, pour ce qui concerne les flux humains, et aux douanes pour les flux de marchandises. L’ouverture ou la fermeture des frontières dépend en grande partie des choix politiques de l’État, bien que dans le cas de l’Union européenne le contrôle des flux migra- toires sur les frontières extérieures ait fait l’objet d’une centralisation inédite, dans le cadre du programme Frontex. Cette frontière migratoire durcie de l’Union européenne se traduit dans le paysage de manière quelquefois caricaturale par la mise en place de véritables « murs », clôtures, barbelés, comme autour de l’en- clave espagnole de Ceuta, ou dans de nombreux pays d’Europe du Sud-Est où des barrières ont été construites aux frontières depuis l’été 2015. Même quand cette frontière est moins visible, elle suppose également un important disposi- tif de surveillance et de contrôle, organisé et centralisé à Varsovie par l’agence Frontex, au point que certains commentateurs y voient l’apparition d’une nou- velle frontière Nord/Sud étanche en Méditerranée. À ces fonctions administratives s’ajoute le rôle militaire de la frontière. La défense du territoire national est traditionnellement concentrée aux frontières, qui ont fait l’objet de différents types d’aménagements militaires et sécuritaires (mur d’Hadrien, réseaux de places fortes de Vauban, ligne Maginot, etc.). Or la frontière militaire est plus souvent une zone qu’une simple ligne, comme on le voit à travers les notions stratégiques de « glacis » (espace de protection), de « sanctuaire » (zone centrale et vitale de l’État), et surtout de « frontière de sécu- rité » (espace dans lequel tout mouvement d’armée met en péril l’État bordier). La représentation des frontières s’en trouve considérablement élargie. De fait, des débats existaient en France à la fin de la guerre froide sur la localisation de la « frontière de sécurité » : était-elle située sur le Rhin (extrémité de notre ter- ritoire) ou sur l’Elbe (ligne de contact entre les troupes du pacte de Varsovie et celles de l’ otan ) ? Suivant leur positionnement entre Est et Ouest, ou dans le camp des non-alignés, les pays méditerranéens se retrouvaient également divisés de part et d’autre de ces lignes de sécurité. Ainsi, la frontière albano-yougoslave s’est trouvée militairement fermée au lendemain de la rupture Tito-Staline en 1948, alors que l’Albanie restait fidèle au grand frère russe. De son côté, la Grèce

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