Fromage | Angioni, Giulio

Fromage 562 à exclure que des formes de consommation et de fabrication de fromage aient également préexisté au Paléolithique et au Mésolithique, si tant est que l’on ne juge pas fantaisiste l’hypothèse que le premier fromage ait été découvert par hasard dans l’estomac d’animaux allaités et consommé avec le reste de la bête, comme cela se pratique encore aujourd’hui en Sardaigne avec le fromage caillé dans l’estomac des agneaux et des chevreaux, et comme cela est explicitement proscrit par la Torah qui bannit toute forme de mélange entre les viandes ani- males et les produits laitiers. Le fromage méditerranéen est depuis longtemps facteur de mondialisation. Aujourd’hui, les bergers sardes ou grecs manifestent tous à Rome, Athènes ou Bruxelles, aux côtés des éleveurs de bétail européens les plus modernes. Alors que nous sommes entrés en pleine mondialisation de l’économie, il y a de quoi s’interroger sur la place des vestiges de l’agropastoralisme traditionnel en Méditerranée. En reste-t‑il encore trop, ou au contraire pas assez ? Arrêtons-nous un instant sur le cas de l’élevage en Sardaigne. Il y a plus d’un siècle déjà, le sec- teur fromager traditionnel sarde a subi une industrialisation radicale pour les besoins de l’exportation mondiale en pecorino romano , qui était produit à partir de lait sarde. Ces derniers temps cependant, les primes européennes à l’exporta- tion du pecorino ainsi que les subventions de la Région Sardaigne se sont faites de plus en plus rares. Avec l’introduction de l’euro, les possibilités de vendre le pecorino sardo-romain aux États-Unis à des prix compétitifs ne sont plus aussi favorables qu’auparavant. La pratique de l’élevage en liberté, pourtant peu coû- teuse, est en train de se perdre, tandis que les industriels du pecorino romano peuvent acheter à bas prix le lait de brebis produit de manière plus ou moins archaïque au Maroc ou en Roumanie, pas toujours dans le respect le plus scru- puleux des règles sur les appellations d’origine contrôlée. Depuis des millénaires en Sardaigne, l’élevage ovin produit des biens de consommation et des matières premières qui alimentent les marchés aussi bien domestiques qu’extérieurs, une production que le secteur fromager a largement contribué à renforcer. À par- tir de la seconde moitié du xix e siècle, la fabrication industrielle du pecorino sardo-romain destiné à l’exportation a introduit et consolidé le monopole de la production et de la commercialisation du pecorino romano , participant à la transformation de vastes espaces de l’île en monocultures pour l’élevage ovin. Les grands-pères et les arrière-grands-pères des bergers qui se plaignent aujourd’hui de la baisse du prix du lait imposée par les industriels et exportateurs de pecorino romano déploraient déjà les prix attribués aux fromageries installées en Sardaigne mais fondées par des entrepreneurs continentaux des régions du Latium ou des Abruzzes. La structure portante de l’édifice fromager demeure la même, bien qu’entre-temps les pères de ces bergers aient tenté, pas le biais de projets régio- naux, de se libérer du monopole industriel et commercial en confiant le lait aux

RkJQdWJsaXNoZXIy NDM3MTc=