Fromage | Angioni, Giulio

Fromage 561 comme « normale » du point de vue de la physiologie nutritionnelle de l’huma- nité contemporaine est en revanche considérée comme pathologique en Europe en général, et plus particulièrement dans l’aire méditerranéenne où le lait et les produits laitiers font « de tout temps » partie intégrante du régime alimentaire. Le fromage dans l’histoire du monde moderne et contemporain témoigne d’une expansion géographique probablement partie de la Méditerranée dès la préhistoire, qui a poursuivi son cours ces cinq derniers siècles grâce au rayon- nement européen dans le monde. La consommation moyenne de fromage aux États-Unis d’Amérique, tout comme, à peu de chose près, celle du reste du conti- nent américain et de l’Australie, a grosso modo doublé de volume tous les dix ans depuis les années 1970 pour s’élever aujourd’hui à 15 kg en moyenne par habitant. Entre le xix e et le xx e siècle, le fromage le plus consommé et importé en Amérique du Nord et en Argentine était le pecorino (suivi de près par son voi- sin le parmigiano ), fromage de brebis euro-méditerranéen par excellence, surtout apprécié sous son appellation de pecorino romano , un fromage à pâte dure à râper sur les spaghettis ou autres plats de pâtes méditerranéens. Aujourd’hui, c’est la mozzarella italienne qui est la plus appréciée des Nord-Américains, représentant plus d’un tiers de la consommation totale du pays. Ce changement est porteur d’un sens culturel plus large si l’on pense notamment que la mozzarella est un ingrédient quasiment indispensable de la pizza et que les Italiens ne conçoivent pas un déplacement sans emporter du fromage, de préférence sous forme de mozzarella . Mais si en Italie il était et il est encore communément accepté que la mozzarella doive être de lait de bufflonne, celle-là est plus ou moins réadap- tée au goût local dans le reste du monde, de même que sont adaptées les habi- tudes et la physiologie alimentaires des populations qui, jusqu’alors, n’utilisaient ni même ne connaissaient l’existence ni du blé ni du lait. L’histoire du fromage méditerranéen a subi un crescendo en qualité et en quantité à partir de l’Antiquité, qui s’est poursuivi au Moyen Âge, puis à l’âge moderne et jusqu’à la mondialisation actuelle. De nombreux fromages tels que le parmigiano (« parmesan ») et le camembert, qui sont aujourd’hui et depuis plusieurs siècles considérés comme des aliments nobles et raffinés, étaient sou- vent associés à la nourriture des pauvres au Moyen Âge. On retrouve des témoi- gnages de l’utilisation du fromage dans tout le monde antique : en Europe et en Afrique à travers la Bible, les poèmes homériques ou encore les textes sacrés égyptiens ; mais aussi dans l’Asie non méditerranéenne. Certaines terres cuites datant de l’époque néolithique rendent déjà compte de pratiques de caillage du lait. Le plus ancien et le plus authentique témoignage de fabrication du fro- mage nous vient d’une frise sumérienne datant du III e millénaire av. J.‑C., dont un détail représente des prêtres en tenue de fromager, une représentation que l’on retrouvera d’ailleurs dans d’autres vestiges. Il n’est toutefois absolument pas

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