Forêt | Chalvet, Martine

Forêt 553 bois était vitale à la construction navale et par là même à la puissance militaire des États et au développement du commerce et des échanges. Cette utilisation du bois se doublait d’une forte consommation de la ressource énergétique. Bois de chauffe ou charbon de bois venaient alimenter les petites fabriques mais aussi toute la filière métallurgique. Jusqu’au xix e siècle, la forêt est restée un monde vivant, fourmillant de mille activités et de mille métiers aujourd’hui disparus. Les boisilleurs prélevaient les baies de nerprun et les écorces de chêne qui servaient à fabriquer le tan employé par les tanneurs ou les ateliers textiles. À leurs côtés, les bûcherons alimentaient en bois les charpentiers, les menuisiers et les charrons. Ils coupaient aussi les fûts nécessaires à la construction maritime. Par souci de rentabilité, certaines activités s’étaient même fixées au cœur des massifs forestiers. Les charbonniers y avaient construit des charbonnières pour carboniser le bois. Proches voisins, les fabricants de brai y distillaient la houille. Plus loin, les pégouliers avaient bâti leurs fours qui produisaient la poix, sorte de résine utilisée par l’industrie. Aux alentours, on trouvait encore les petites fabriques : verreries, fours à chaux, bri- queteries, tuileries ou même industries métallurgiques qui voulaient profiter du charbon de bois et des matières premières à un moindre coût. Au xix e et au xx e siècle, l’industrialisation du Nord de la Méditerranée a bouleversé ces exploitations traditionnelles. Avec les progrès techniques de l’agriculture, de la production fourragère et de l’élevage, le système agro-sylvo-­ pastoral a peu à peu disparu. Avec l’utilisation du charbon de terre puis du gaz, de l’électricité et du pétrole, l’exploitation du bois de chauffe et du charbon de bois a été abandonnée. Cela dit, l’industrialisation et le développement de nouvelles ressources éner- gétiques n’ont pas totalement brisé toute exploitation forestière. En effet, l’ur- banisation, la construction du réseau ferré et les progrès de la marine offraient un débouché croissant aux bois d’œuvre. Le pin servait par exemple à fabri- quer les poutres, les solives, les pompes et les tuyaux pour la conduite des eaux, mais aussi les poteaux télégraphiques, les traverses de chemin de fer, les étais de mine, les caisses et les coffrages. En parallèle, les industries utilisaient aussi les extraits de gemme pour la fabrication du goudron, de l’essence de térében- thine et du brai gras dont on retirait de la colophane ou poix résine. Enfin, le papier de bois ayant remplacé progressivement le papier de chiffe, l’industrie papetière consommait de plus en plus les produits boisés. Avec ses richesses forestières spécifiques, le pourtour méditerranéen s’intégrait parfaitement à ce grand mouvement d’exploitation du capital boisé. Utilisé pour fabriquer des flotteurs ou des bouchons, le liège devint vite indispensable à l’industrie et à la marine. Encore limitée à la fin du xviii e siècle, sa production connut un essor prodigieux sur l’ensemble du pourtour méditerranéen comme en témoignent

RkJQdWJsaXNoZXIy NDM3MTc=