Fascisme | Mourlane, Stéphane

Fascisme 531 Ces deux grandes puissances ont déjà fait plier Mussolini lors de son pre- mier coup de force méditerranéen à Corfou en 1923. En effet, ils obtiennent le départ des troupes italiennes qui occupent l’île à la suite d’un différend avec la Grèce. Même lorsque la politique méditerranéenne fasciste se fait plus incisive, dans les années 1930, elle doit parfois, parallèlement aux rodomontades rhé- toriques, adopter un tour plus conciliant. Ainsi, Rome conclut un gentlemen’s agreement avec Londres, en janvier 1937, portant sur la liberté de circulation en Méditerranée et sur la volonté des deux pays de maintenir un statu quo ter- ritorial dans le bassin méditerranéen. L’offensive fasciste en Méditerranée n’en conserve pas moins toute sa vigueur, l’intervention italienne dans la guerre civile en Espagne en témoigne à partir de 1936. Les livraisons d’armes et l’envoi d’un « corps de troupes volontaires » répondent certes à une sympathie idéologique entre les franquistes et les fascistes. Ce soutien s’explique aussi, et peut-être surtout, par des motifs stratégiques. Ceux-ci visent non seulement à affirmer l’Italie comme un interlocuteur cré- dible face à l’Allemagne nazie dans le processus d’alliance, mais aussi à empê- cher, d’une part, la constitution d’un axe républicain Paris-Madrid et à permettre, d’autre part, l’établissement en Espagne de bases militaires italiennes susceptibles de servir de point d’appui à une expansion méditerranéenne. D’autres territoires de l’Europe méditerranéenne suscitent la convoitise de l’Italie fasciste. Grisées par les succès militaires en Éthiopie et en Espagne, mais aussi diplomatiques à Munich, des voix s’élèvent en 1938 parmi les fascistes pour réclamer à la France la Corse, Nice et la Savoie. Mussolini les reprend à son compte, excluant cependant la Savoie. L’Albanie concentre également l’at- tention : sous influence italienne depuis 1927, le royaume de Zog I er devient, en 1939, un véritable protectorat. Alors que l’Italie dispose de colonies dans les îles du Dodécanèse depuis 1912 et où le régime mussolinien mène une poli- tique d’italianisation et de fascisation qui marque notamment de son empreinte l’architecture de Rhodes, la principale île, Malte et Chypre sont revendiquées. Lorsque le conflit se déclenche, Mussolini, qui envisage d’étendre l’influence ita- lienne sur l’ensemble du pourtour méditerranéen, fait de la Grèce son principal espace de conquête. Plus que d’un intérêt méditerranéen, il s’agit là d’un moyen de mettre à mal les ambitions hitlériennes dans les Balkans. Avec la guerre, l’idéo- logie fasciste expansionniste s’enrichit d’un discours sur l’espace vital emprunté à l’allié nazi (Lebensraum) . La stratégie expansionniste, souvent velléitaire, n’a cependant que très peu bouleversé l’ordre méditerranéen. En revanche, le fascisme italien a marqué le paysage politique et idéologique de l’Europe méditerranéenne en un temps de remise en cause de la démocratie libérale. L’expérience mussolinienne inspire en effet nombre de groupes autoritaires et nationalistes, dont certains parviennent

RkJQdWJsaXNoZXIy NDM3MTc=