Expédition d’Égypte | Bret, Patrice

517 Expédition d’Égypte de l’armée française (légion copte, légion grecque, janissaires syriens formés surtout de Palestiniens chrétiens). Si la police restait assurée par les janissaires turcs, seuls respectés par la popu- lation, c’était en accord avec le Divan. Car, surtout après la déclaration de guerre de La Porte, Bonaparte mit en place une politique d’égyptianisation, dont cette institution constituait le premier pas. Ses membres firent l’apprentissage du scru- tin secret et des décisions collégiales, en présence d’un commissaire français. Pour la première fois, le grand cadi fut aussi un Égyptien, de même que le dernier chef de la police, le musulman Abd al-Agha, qui suivit l’évacuation de l’armée française avec le grade de général, lui-même père du général Abdelal du Second Empire, vainqueur de la smalah d’Abd el-Kader. Autre général français, Jacob (Yacoub), intendant aux côtés de Desaix puis chef de la légion copte, mourut avant d’arriver en France, à la tête d’une « légation égyptienne » porteuse d’un projet d’indépendance de l’Égypte. L’originalité de l’expédition fut la présence des savants et artistes. Le mathéma- ticien Gaspard Monge et le chimiste Claude-Louis Berthollet avaient accompagné Bonaparte en Italie, avant de le faire élire à l’Institut. Il les emmena en Égypte avec un aréopage de l’élite culturelle de la Révolution : une dizaine de professeurs des grandes institutions parisiennes, une quarantaine d’élèves de la jeune École polytechnique, autant d’ingénieurs de tous services, autant d’artistes-mécaniciens, dessinateurs et architectes, outre une vingtaine d’imprimeurs en caractères latins et orientaux, et quelques musiciens et poètes. Comme en Italie, ces « savants » participèrent à la gestion du territoire et amorcèrent un transfert de techniques, formant des apprentis à l’imprimerie, à la poudrerie et aux ateliers mécaniques, où Nicolas-Jacques Conté produisait tout, depuis les gros mécanismes pour les moulins à vent jusqu’aux lames de sabre, aux lunettes du télégraphe optique et aux instruments de précision. Menou consi- dérait, d’ailleurs, qu’un « des plus sûrs moyens d’accélérer la splendeur d’une colonie [était] d’instruire ses habitants par tous les moyens possibles ». Avec un talent surprenant, les artisans égyptiens imitèrent bientôt les produits français. Mais le plan de modernisation du pays présentait quelques faiblesses. Le projet de régénération de la société égyptienne s’enlisa bientôt et les réalisations effec- tives concernèrent surtout les besoins de la colonie française : les milieux d’affaires français obtinrent de réserver la manufacture de drap créée à l’automne 1800 à la seule main-d’œuvre européenne. Au reste, l’Égypte n’était pas prête à recevoir si vite les sciences et arts d’Europe. Les expériences de chimie n’étaient guère qu’une habile et vaine magie pour le cheikh Jabartî, qui admirait néanmoins la technique européenne : les moulins à vent, les ponts de bateaux sur le Nil, les instruments de levage et, plus encore, les ingénieuses brouettes des chantiers de construction de fortifications.

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