Expédition d’Égypte | Bret, Patrice

Expédition d’Égypte 514 La guerre, de la conquête au piège égyptien Le 19 mai 1798, la flotte quitta Toulon pour former avec des convois partis de Corse et d’Italie la plus grande expédition jamais encore envoyée outre-mer par la France, et la plus importante qui ait alors sillonné la Méditerranée : plus de 35 000 hommes et de 300 navires de guerre et de transport. Malte, qui commandait le passage vers la Méditerranée orientale, capitula trois semaines plus tard. La chance aidant, l’amiral Nelson doubla le convoi sans le voir dans la nuit du 23 au 24 juin et, ne le trouvant point à Alexandrie, fila vainement vers la Syrie. Les Français arrivèrent devant ce port le 1 er juillet. La ville tomba le lende- main, malgré une vive résistance de la population que Bonaparte tenta de séduire par un discours inspiré des proclamations ottomanes. Se présentant en libéra- teur venu, au nom du sultan, affranchir le peuple égyptien du joug séculaire des mamelouks et venger les commerçants français, victimes d’exactions, il pro- mettait surtout de respecter le Coran. Ici encore, il tenait un double discours : afin de préserver les susceptibilités révolutionnaires, la version française de la proclamation était en retrait sur le texte arabe, notamment au sujet de l’islam. Tandis que Kléber mettait la ville en état de défense en prévision du retour des Anglais, l’armée marcha sur Le Caire, faisant l’apprentissage du désert, de la chaleur, de la soif et du mirage. La cavalerie de Murâd Bey, l’un des deux grands chefs mamelouks, chargea vainement les divisions de Bonaparte qui, organisées pour la première fois en carrés, résistèrent à merveille. Mais sur le Nil, la flot- tille française fut sévèrement bousculée. Le 21, les mamelouks et leurs troupes de fellahs furent battus sur la rive gauche, en face du Caire, à Imbaba, dans la bataille dite des Pyramides, en vue à l’horizon. Murâd battit en retraite vers la haute Égypte, tandis qu’Ibrahim Bey prit la route de la Syrie. Les Français entrèrent au Caire le lendemain soir, 22 juillet, après un accord avec les oulémas de la mosquée al-Azhar. La prise du Caire n’entraîna pas la reddition d’un pays hostile, où l’armée se trouva condamnée à vivre isolée après la destruction de la flotte française par Nelson à Aboukir, le 1 er août : loin d’être une mer française, la Méditerranée était devenue un lac ennemi que seuls quelques rares navires purent traverser sans encombre en trois ans d’occupation. La déclaration de guerre de l’Empire ottoman, allié avec son ennemi de la veille, la Russie, puis la perte de l’Italie et des îles Ioniennes réduisaient déjà à néant le projet de Bonaparte. Dans le delta, la lutte continua jusqu’à l’automne. Les mamelouks provisoirement éloi- gnés, le danger vint des « Arabes » – les bédouins nomades – qui harcelaient les troupes, comme de la population sédentaire, toujours victime de ceux-ci et

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