Esclavage | Tuccillo, Alessandro

Esclavage 508 était possible et assez diffus mais, comme dans le monde musulman, il n’était pas directement lié à la conversion. Après la conquête de Constantinople en 1453, l’avance de l’Empire ottoman dans le bassin méditerranéen oriental entrava et mit progressivement fin au réseau commercial qui avait rendu possible l’afflux des esclaves slaves vers l’ouest. La nou- velle carte géopolitique de la Méditerranée à l’époque moderne coïncide donc avec une nouvelle physionomie de l’esclavage. La montée de la traite atlantique portugaise (l’importation des esclaves de l’Afrique subsaharienne vers Lisbonne ne fut interdite qu’en 1761) permit un fort approvisionnement en esclaves noirs, qui changea l’offre et la composition ethnique du travail servile. Ces changements concernent aussi les formes de l’exploitation : si les études les plus récentes ont démontré que n’a pas eu lieu le passage du modèle de la plantation sucrière escla- vagiste de la Méditerranée médiévale (Sicile et Espagne méridionale) aux colonies américaines (comme le soutenait Verlinden), puisque les champs à sucre médi- terranéens étaient cultivés par des salariés, les îles espagnoles et portugaises de l’Atlantique oriental (Canaries, Madère et, surtout, São Tomé) préfigurent effec- tivement les caractères des plantations esclavagistes. En Méditerranée moderne les Slaves (qui toutefois, lors des guerres entre les Habsbourg et les Ottomans, conti- nuaient à arriver en Italie) sont donc remplacés par les Noirs africains et par les captifs de la course qui opposait les royaumes chrétiens aux régences barbaresques. Dans la péninsule Ibérique, ces dynamiques ont produit un grand nombre d’es- claves, estimé, pour la période 1450‑1750 (y compris les esclaves nés sur le sol ibérique), jusqu’à 2 millions (Stella, 2000). Les estimations pour l’Italie sont de l’ordre de 100 000 personnes et pour l’ensemble des territoires concernés (Europe, Maghreb, Empire ottoman) de 7 à 9 millions de personnes (Bono, 1999). Cependant, l’esclavage méditerranéen à l’époque moderne reste encore un chan- tier de recherche ouvert pour les historiens, notamment pour l’Italie. En outre, la question des estimations est toujours sujette à caution et controversée puisqu’elle doit aussi prendre en compte le problème de la différence entre captif et esclave. Si le statut d’esclave du Noir importé de l’Afrique subsaharienne est normalement évident, en revanche le captif, butin de la guerre de course, n’est qu’un esclave en puissance, parce qu’il ne deviendra pas forcément un esclave. De fait, la déten- tion du prisonnier était souvent liée au temps nécessaire pour qu’il puisse capita- liser son rachat en travaillant, ou grâce à la médiation économique des confréries et des institutions qui s’occupaient de la « rédemption » des captifs, très actives sur les deux côtes de la Méditerranée (Kaiser, 2008). Bien que la distinction entre captif et esclave soit aisée du point de vue conceptuel, elle est moins claire dans les sources, où les dénominations (captif, esclave, Noir, Turc, Maure, etc.) sont fluides, et les caractères des différentes conditions de dépendance ne sont pas faciles à discerner. Néanmoins, la connaissance du phénomène de l’esclavage dans

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