Esclavage | Tuccillo, Alessandro

Esclavage 507 xix e siècle. L’historiographie a désormais dépassé la vision romanesque d’un escla- vage en terre d’Islam concernant les eunuques, les concubines des harems et les soldats « esclaves du sultan ». Ces figures existaient mais ne représentaient pas l’intégralité du phénomène et, en outre, leur condition domestique était souvent bien plus dure que celle suggérée par le récit orientaliste. En réalité, les esclaves étaient employés à tous les niveaux de la société musulmane rurale et urbaine, des mines à la bureaucratie étatique, du service domestique aux centres du pou- voir politique, comme c’était le cas de beaucoup de mamelouks, corps formé pour la plupart d’esclaves chrétiens d’origine caucasienne qui, convertis à l’islam, dépendaient des beys des régences barbaresques (Oualdi, 2011). La Méditerranée chrétienne se caractérise également par l’utilisation de la main-d’œuvre servile reproduite par descendance et recrutée par la capti- vité et par l’achat d’infidèles (musulmans, païens et juifs). D’autre part, avant le xix e siècle, la doctrine officielle de l’Église catholique n’a pas mis en discus- sion la légitimité de l’esclavage qui était effectivement admis dans l’Ancien et le Nouveau Testament et par les Pères de l’Église. La présence continue de l’escla- vage dans l’Empire byzantin tout au long de son histoire ne correspond pas à la démarche en Occident, où, pendant le haut Moyen Âge, la raréfaction des formes de l’esclavage antique s’accompagne pourtant d’une évidente persistance à dis- tinguer liber et servus dans les lois et dans les contrats privés. Seulement à par- tir du xiii e siècle, on assiste à une forte reprise, principalement dans les centres urbains. Les routes du commerce des esclaves suivent la colonisation italienne et catalane de la Méditerranée orientale jusqu’à l’intérieur de la mer Noire. Ce réseau commercial était structuré sur plusieurs comptoirs : Raguse, Chypre, îles grecques, Kaffa, La Tana, Péra, où les marchands – pour la plupart véni- tiens, génois et catalans – achetaient esclaves païens slaves ainsi qu’orthodoxes et hérétiques chrétiens (Bulgares, Grecs), même si la pratique d’asservir d’autres chrétiens était controversée. Albanais, Bulgares, Caucasiens, Circassiens, Grecs, Tartares, Russes arrivaient dans les villes occidentales (Palerme, Naples, Pise, Venise, Gênes, Marseille, Barcelone, Valence, etc.), où cette traite, dirigée d’est en ouest, croisait les autres flux du marché des hommes : les prisonniers musul- mans capturés lors des guerres des royaumes chrétiens pour conquérir les ter- ritoires arabes dans la péninsule Ibérique ; les esclaves noirs en provenance des villes de l’Afrique septentrionale, dernières étapes de la traite transsaharienne, et ceux qui, dès le xv e siècle, étaient importés par les Portugais (et par quelques grands marchands italiens) depuis les côtes de l’Afrique occidentale atlantique. Ces esclaves étaient utilisés pour les activités les plus diverses et normalement les plus dures. Leur travail avait une dimension surtout domestique et, à ce propos, il est à remarquer qu’il concerne une majorité de femmes. L’affranchissement

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