Épidémie | Escande, Laurent

Épidémie 500 ces barrières furent perméables ; mais la période vit la mise en place de struc- tures de gestion de crise, et la peste disparut progressivement des régions d’Eu- rope occidentale. La situation dans l’Empire ottoman restait plus problématique. Au xix e siècle, l’action de lutte contre la maladie vint d’abord du « prosélytisme sanitaire des consuls » (Panzac, 1985) : ceux-ci cherchaient à protéger leurs ressortissants. Ils firent surveiller les navires considérés comme suspects, firent construire des hôpitaux pour les malades de leur ressort. Les autorités ottomanes restèrent un temps insensibles à ces innovations, avant que des gouverneurs, puis l’État, ne comprennent les enjeux. En 1838, le sultan Mahmûd II créa un conseil sani- taire pour organiser la défense de l’Empire contre les épidémies. Son succes- seur, ‘Abd al-Majîd I er , poursuivit cette politique en accroissant les pouvoirs de l’administration sanitaire : il institua le Conseil supérieur de santé qui devait imposer des normes sanitaires communes. Longtemps, en effet, chaque État avait organisé seul sa protection ; au xix e siècle, le développement des échanges en Méditerranée ne pouvait permettre le maintien du dispositif. En 1851, après qu’une grave épidémie de choléra eut atteint une nouvelle fois l’Europe, plu- sieurs pays se réunirent pour la première conférence sanitaire internationale ; celle-ci s’acheva sur un échec car certains délégués, les Britanniques notamment, tenaient encore un discours anti-contagionniste. Les conférences suivantes furent plus efficaces et élaborèrent un dispositif de protection sanitaire international. Une attention particulière fut portée au contrôle du pèlerinage à La Mecque ; les pèlerins souhaitant franchir le canal de Suez devaient stationner pour une période d’observation de quelques jours au lazaret de Djebel-Tor, au pied du Sinaï, présenté comme le verrou sanitaire de la Méditerranée. La peur provoquée par l’aspect subit, massif et, pour beaucoup, incom­ préhensible de la maladie a trouvé écho dans les productions artistiques, sous forme d’images ou de textes. Ces manifestations sont abondantes et diverses ; elles vont de la relation des faits, d’une volonté d’exorciser le mal à une utilisation plus symbolique de la maladie. La thématique transcende périodes et espaces. Les danses macabres sont un témoignage massif de la Peste noire du xiv e siècle. Elles marquent la présence obsédante de la mort. Les artistes montraient la vanité de la position sociale, en mêlant morts et vivants, puissants et faibles, riches et misérables ; la Grande Faucheuse apparaît accompagnée de squelettes, entraînant vers leur destin funeste ceux qui sont, encore, vivants. Des chapelles étaient aussi vouées aux saints protecteurs de la peste, tels saint Sébastien ou saint Roch, eux-mêmes abondamment représentés par ailleurs. Après la peste de 1720, Michel Serre fut plus réaliste dans ses peintures de l’événement : la représentation de tas de cadavres devant l’hôtel de ville de Marseille ou sur le Cours – dénommé par la suite Belsunce – symbolisait le retour du fléau dans un

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