Épidémie | Escande, Laurent

Épidémie 498 La perception des maladies contagieuses dans le cadre d’épidémies meur- trières varia au fil des siècles. Alors que les moyens de transmission ne leur étaient pas connus, les hommes cherchèrent des explications dans la religion. Ainsi, les Romains avaient transformé en déesse la malaria des marais Pontins : pour la contrôler, ils élevèrent trois temples à Febris. Durant des siècles, les médecins furent incapables d’expliquer et de soigner les maladies épidémiques. Lorsque celles-ci prenaient de l’ampleur, l’idée de châtiment des dieux ou de Dieu s’im- posait dans la population et beaucoup cherchaient les moyens pour contrecarrer l’ire divine. La Peste noire du xiv e siècle généra en ce sens des mouvements caractéristiques : des coupables, des exutoires à l’angoisse commune, devaient être désignés. En Europe, plusieurs groupes furent accusés de disséminer la peste : les étrangers, les mendiants, les lépreux, les clercs, les musulmans, les juifs. Les exactions contre ces derniers furent multiples dans l’espace médi­ terranéen européen. Ainsi, par exemple, dans la péninsule Ibérique, de nom- breuses communautés furent attaquées : des juifs furent tués en mai 1348 à l’apparition de la peste à Barcelone, et peu après à Lérida, Gérone… Les auto- rités politiques et ecclésiastiques essayèrent pourtant de contrer ces mouvements. En octobre 1348, le pape Clément VI signa une bulle stipulant que la peste ne distinguait pas les chrétiens et les juifs ; il ouvrit le Comtat où quelques juifs purent trouver refuge. Le désarroi de la population face à la maladie trouva aussi son expression dans le développement des mouvements de flagellants. D’abord en Italie, puis partout en Europe, des confréries se créèrent. Certains hommes décidèrent de prier et de s’infliger, en place publique, une pénitence physique pour la rémission des fautes commises ; elle consistait en un certain nombre de coups donnés sur le dos par un fouet à plusieurs lanières parfois terminées par une pointe de fer. Près de 800 000 pénitents auraient circulé en Europe pour engager les populations à expier leurs fautes. L’Église récusait ces manifestations considérées comme une résurgence des religions païennes de l’Antiquité et, en 1349, Clément VI sollicita l’appui des autorités séculières pour mettre un terme à ces mouvements. Dans le monde musulman, le comportement des populations différa en partie. Parallèlement aux prières légales, des moments de prières spécifiques, mettant en avant le nom de Dieu, se développèrent ; mais l’usage de moyens magiques fut plus répandu, en particulier parmi les couches les plus populaires de la société. Pour contrer la maladie, des sourates du Coran étaient inscrites sur des amulettes. Ces objets pouvaient être simplement portés autour du cou. Ils servaient aussi dans des décoctions : l’encre se dissolvait dans l’eau, et l’homme souhaitant être protégé de la maladie pouvait se laver avec le liquide obtenu ou le boire. Ces comportements face à la maladie disparurent progressivement. Le déve- loppement, au xix e siècle, de l’observation microscopique permit d’identifier, et

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