Épidémie | Escande, Laurent

Épidémie 497 En 1720, des marchandises en provenance de Syrie, région alors contaminée, furent débarquées trop hâtivement à Marseille. En quelques semaines, la peste toucha plusieurs villes de Provence ; Marseille vit, peut-être, disparaître un quart de sa population. La peste resta encore plusieurs décennies en Méditerranée, mais la diffusion dans l’Empire ottoman des pratiques de contrôle utilisées en Europe occidentale permit de limiter son expansion à quelques villes portuaires ou quelques régions côtières bien circonscrites. Le choléra cohabita avec la peste dans le bassin méditerranéen durant plu- sieurs siècles ; il n’occupe cependant pas la même place dans l’imaginaire collec- tif. Le choléra fut surtout la maladie du xix e siècle : avec l’ouverture de nouvelles voies maritimes – le canal de Suez – et la réduction de la durée du voyage liée à la navigation à vapeur, les villes de Méditerranée se retrouvaient au contact de régions où le choléra était endémique – comme le bassin du Gange. Les obser- vateurs s’intéressèrent à l’éclosion de la maladie liée aux mouvements de popu- lations ; les pèlerinages apparurent comme un vecteur important, en particulier celui de La Mecque, lieu de rassemblement des musulmans du monde entier. Le professeur Adrien Proust présenta, en 1892, la marche de l’épidémie de 1865 (planche XVIII) ainsi : « […] venu de l’Inde, son foyer d’origine (ou 1 er foyer), le choléra arrive à La Mecque (2 e foyer), puis gagne Alexandrie qui va devenir un nouveau centre d’émission (3 e foyer). Toutes les villes, tous les ports qui, comme Beyrouth, Marseille, Constantinople, reçoivent des arrivages d’Alexan- drie, deviendront de nouveaux centres pouvant être considérés comme des foyers de quatrième ordre, et qui, à leur tour, seront le point de départ de nouvelles émissions. » La Méditerranée connut six pandémies au xix e siècle. La grippe espagnole fut la dernière grande épidémie des pays méditerranéens au début du xx e siècle ; elle toucha des populations affaiblies par les privations imposées par la Première Guerre mondiale. Elle dut son nom à la situation en Espagne : le pays n’était pas impliqué dans le conflit et les autorités communi- quaient ouvertement sur la maladie. L’information se diffusa, alors qu’aucun autre gouvernement européen n’évoquait la grippe sur son propre territoire pour ne pas décourager les populations. Au sortir de la guerre, la reprise des relations maritimes entre les métropoles et leurs colonies favorisa la diffusion de la maladie ; à la fin de l’année 1918, quasiment tous les continents furent touchés. Cette épidémie aurait fait de 20 à 40 millions de morts dans le monde (voire beaucoup plus : l’intégration de projections rétrospectives sur les popula- tions d’Afrique, d’Asie et d’Amérique porterait le bilan à 90 millions de morts). La grippe espagnole s’inscrit donc dans l’imaginaire collectif aux côtés de la peste et du choléra, avec ses célébrités emportées comme Guillaume Apollinaire ou Egon Schiele, dont le dernier tableau, La Famille , représente une femme morte de la grippe.

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