Épidémie | Escande, Laurent

Épidémie 496 dans une perspective plus régionale ou locale et visent à comprendre les réac- tions d’une société face à la maladie. Les auteurs antiques, qui utilisaient le mot « peste » dans son acception large, ne nous renseignent guère sur les épidémies durant la période. Des écrits évoquent certes des maladies pestilentielles, mais beaucoup ne furent certaine- ment pas des « pestes » (telles celle d’Athènes en 429 av. J.‑C. ou celle de Rome en 165 apr. J.‑C.). Le haut Moyen Âge nous offre les premières relations pré- cises sur la maladie. L’historien Procope de Césarée évoqua ainsi la peste qui saisit l’Empire de Justinien au vi e siècle : « Elle commença chez les Égyptiens de Péluse. Ensuite, elle bifurqua, d’un côté vers Alexandrie et le reste de l’Égypte, de l’autre vers la Palestine, aux confins de l’Égypte ; et de là elle se répandit par toute la terre, allant toujours de l’avant et se propageant lorsque l’époque s’y prêtait. » (Bellum Persicum.) L’épidémie atteignit Constantinople en 542 ; d’après les estimations de l’historien, la moitié de la population y aurait péri. L’épidémie s’installa sur le pourtour méditerranéen et y réapparut périodique- ment. Au viii e siècle, Grégoire de Tours décrivit précisément la maladie, dont il signale le bubon caractéristique : « […] la mort était subite. Il naissait à l’aine ou à l’aisselle une plaie semblable à celle que produit la morsure d’un serpent, et le venin agissait de telle manière sur les malades que, le second ou le troi- sième jour, ils rendaient l’âme. » (Historia Francorum.) L’aspect massif caracté- rise surtout la Peste noire du xiv e siècle, la plus grande épidémie que connut le bassin méditerranéen (planche XVII). En quelques années, elle envahit toutes les régions. Ibn Khaldûn rapporta les conséquences dramatiques de l’épidémie : « Tant à l’est qu’à l’ouest, la civilisation subit une incursion destructrice, celle de la peste qui dévasta les nations et raya des populations entières de la sur- face de la terre. Elle annihila le bien qui avait été créé, […] le niveau de civi- lisation décrut en même temps que le nombre d’habitants. La face du monde habité en fut changée » (Al-Muqaddima). Ibn Battûta donna des chiffres sur la mortalité dans les villes arabes : à Alexandrie, « la peste avait beaucoup dimi- nué d’intensité, après avoir fait jusqu’à mille et quatre-vingts victimes par jour. J’arrivai ensuite au Caire, et l’on me dit que le nombre des morts, pendant l’épidémie, y avait atteint le chiffre de vingt et un mille dans un seul jour » (Voyages) . Froissart résuma en une phrase l’opinion des contemporains sur la proportion du nombre de victimes : « En ce temps, par tout le monde généra- lement une maladie qu’on clame épidémie courait, dont bien la tierce partie du monde mourut. » (Chroniques.) La catastrophe démographique fut immense : selon les régions et les groupes sociaux, l’épidémie emporta entre un huitième et les deux tiers de la population. La maladie déclina progressivement, mais connut cependant des résurgences localisées, plus ou moins régulières. La der- nière grande épidémie marquante en Europe toucha la France au xviii e siècle.

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