Empires coloniaux | Rappas, Alexis

Empires coloniaux 476 à l’indépendance des pays concernés, l’ajournement systématique de l’émanci- pation politique des sujets coloniaux est justifié au nom de la « civilisation » que le contact du colonisateur doit inculquer à ces derniers. Le démantèlement des empires coloniaux en Méditerranée, qui commence avec l’indépendance officielle de l’Égypte en 1922 et s’achève avec celle de Malte en 1964, est l’aboutissement de dynamiques successives complexes. Ces dernières sont liées à l’organisation de forces politiques locales et transnationales militant pour l’indépendance des colonies, à l’affaiblissement économique, militaire et politique des puissances coloniales, et à l’émergence des superpuissances améri- caine et soviétique opposées à la perpétuation du colonialisme après la Seconde Guerre mondiale. Les mouvements de résistance anticoloniale locaux utilisent comme moyens d’expression politique la grève (celle de 1919 en réaction à la déportation de Saad Zaghloul, chef du parti Wafd, mène à la révolution égyp- tienne), les manifestations (telle celle du 9 avril 1938 encadrée par le Néo-­ Destour tunisien), la désobéissance civile et parfois l’action armée (la révolte du djebel Druze en Syrie mandataire entre 1925‑1927, la guerre d’indépendance algérienne menée par le Front de libération nationale [ fln ] à partir de 1954, l’insurrection menée par le groupe eoka à Chypre à partir de 1955). Durement réprimée, cette résistance se voit néanmoins politiquement renforcée à travers les nouvelles solidarités transnationales qu’elle crée (par exemple l’appel à la soli- darité arabe autour de La Nation arabe dans les années 1930) et la délégitima- tion croissante à l’échelle internationale du colonialisme et de ses méthodes de plus en plus répressives ; fondée en 1945, l’Organisation des Nations unies, qui accueille au fur et à mesure les États nouvellement émancipés, constitue à ce titre une des principales tribunes anticolonialistes. Dans le sillage de la Seconde Guerre mondiale, ce n’est qu’au prix de guerres humainement coûteuses, financiè- rement ruineuses et internationalement décriées que les puissances européennes peuvent envisager de conserver leurs colonies, ce qu’elles renoncent à faire entre la fin des années 1940 et le début des années 1960. Thèmes de recherche L’historiographie des empires coloniaux a longtemps privilégié deux orienta- tions, politique et économique, qui, chacune, ont révélé d’importantes difficul- tés conceptuelles et analytiques. Le principal inconvénient de l’histoire politique concerne son intérêt exclusif pour la confrontation entre autorités coloniales d’une part, et élites politiques locales d’autre part. Ce n’est en effet qu’à travers la résistance tardive autour de mouvements organisés que l’histoire politique s’est intéressée aux réactions des populations locales. Ce cadre interprétatif

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