Empires coloniaux | Rappas, Alexis

Empires coloniaux 475 À la grande diversité des statuts administratifs qui marque ces territoires s’ajoute celle des politiques coloniales développées par les gouvernements colo- niaux en fonction des représentations qu’ils se font des populations locales. Si l’Algérie, divisée en trois départements, est officiellement intégrée dans le terri- toire de la métropole (1848), c’est bien une politique coloniale que le gouver- nement français y poursuit, reposant sur la marginalisation systématique de la population arabe et kabyle locale, et l’expropriation massive des terres de cette dernière. L’État français intègre les biens religieux ( habous et waqf- s) et doma- niaux (beylik) et les redistribue aux colons français auxquels viennent s’ajou- ter des Espagnols, des Maltais et des Italiens rapidement naturalisés – comme le seront les juifs algériens (1870). Les musulmans, qui représentent la grande majorité de la population, ne sont pour leur part que de simples sujets d’empire ; à ce titre, ils ne bénéficient d’aucun droit politique et sont soumis à l’arbitraire judiciaire de l’État colonial. Ardemment défendue par les colons qui, n’étant pas tous de riches propriétaires, renforcent par là leur propre position sociale, cette différence entre citoyens et sujets d’empire se traduit dans une jurispru- dence et un ensemble de pratiques qui constituent ce que l’on a appelé le code de l’Indigénat, qui est étendu à l’ensemble de l’Empire français. Toutefois, cette hiérarchie sociale, juridique et politique, qui est la caractéristique fondamentale de toute société coloniale, n’est pas appliquée partout avec la même rigueur, ni dans l’Empire français, ni dans les autres empires européens. Ainsi, le gouver- nement britannique accorde aux Maltais et aux Chypriotes, qui sont en majo- rité chrétiens et donc considérés comme culturellement proches, des droits politiques étendus, comparables à ceux dont jouissent les « dominions » blancs (Canada, Australie, Nouvelle-Zélande, Afrique du Sud, Terre-Neuve), dont celui d’élire des représentants dans un parlement local. Le cas de la Cyrénaïque et de la Tripolitaine italiennes (regroupées avec le Fezzan dans une seule unité administrative libyenne en 1934) se situe à mi-chemin de ces deux extrêmes : jusqu’à la promulgation des lois raciales de 1938, les autorités italiennes, dans un effort de réduire la résistance senoussie menée par le cheikh Omar al-Mokhtar, imaginent plusieurs projets de citoyenneté libyenne. De même, la colonisation de masse de la Libye par les métropolitains n’est systématiquement encouragée qu’à partir des années 1930. Enfin la Palestine mandataire (1920‑1948) consti- tue un cas à part. Les discussions sur l’attribution de droits politiques à la popu- lation arabe et juive – notamment sous la forme d’un conseil législatif – y sont fortement marquées par les tergiversations constantes de la politique britannique par rapport à l’objectif déclaré d’établir un « foyer national pour le peuple juif » en Palestine (déclaration Balfour de 1917) et les réactions que la poursuite de cet objectif suscite parmi la population arabe (Grande Révolte de 1936‑1939). Avec l’établissement des mandats de la Société des Nations, censés mener

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