Élevage (caprins et ovins) | Bourbouze, Alain

Élevage 458 d’association, de confiage (khlata) ou de tour de rôle (nouba) se développent dans les villages. L’engraissement des jeunes et l’apport d’aliments complémentaires au troupeau des adultes sont des pratiques généralisées. L’élevage caprin est cependant en régression, car il est trop étroitement associé aux zones les plus pauvres frappées par l’émigration des jeunes et sans perspectives de développement. En forêt, où tout éleveur caprin est potentiellement un délin- quant aux yeux des agents forestiers, le climat social est miné par ce contentieux séculaire. Cet élevage, ouvert sur une filière de viande caprine (chevreaux, mâles castrés) et un marché local peu actifs, est donc cantonné à l’autoconsommation familiale. Aucun croisement améliorateur n’est envisageable, tant le milieu est difficile. La plupart des tentatives d’implantation de chèvres de type Alpin ou Murciana dans les milieux favorisés (oasis du Sud tunisien, Rif marocain), pour promouvoir le fromage de chèvre et bâtir une filière fromagère durable, se sont soldées jusqu’à présent par des demi-échecs. L’élevage ovin dont la viande est très appréciée est, en revanche, soutenu sur les marchés par un prix élevé. La filière ovine est marquée par : a) une demande urbaine forte, notamment lors de la fête du mouton ; b) la très grande mobilité des commerçants forains ; c) la circulation du bétail vivant sur de longues distances pour ramener les produits maigres à engraisser vers les plaines et les abattoirs des villes. Nonobstant cette relative sécurité apportée par des marchés actifs, les éleveurs réclament une meilleure protection face aux aléas climatiques et adoptent des straté- gies en conséquence. L’« association céréaliculture-élevage » joue des combinaisons entre « orge et mouton » selon les fluctuations du climat et des prix des animaux, des céréales et des fourrages, tout en profitant des synergies et transferts d’un poste à l’autre (fumier, paille, chaumes), et pour des laps de temps différents (annuels pour les céréales et pluriannuels pour les ovins). D’autres armes antirisques sont aussi mises en œuvre, comme la « décapitalisation “maîtrisée” » d’une partie du troupeau femelle (10 à 20 %) afin de financer l’aliment (300 kg/brebis/an) qui sauvera le reste du troupeau, ou encore le « recours à des revenus non agricoles » tirés de l’émigration, du commerce ou d’autres petits métiers. La diversification des revenus est la clé de la survie ; la protection absolue, quand on peut y avoir recours, est l’agriculture irriguée sur pompages. Elle se développe spectaculaire- ment sur les parcours des régions sèches au Maghreb comme au Machrek. L’élevage des ovins et des caprins garde donc une signification importante en Méditerranée : sur le plan économique par la mise en valeur des terres à faible pro- ductivité ou des sous-produits agricoles et par l’approvisionnement d’un marché actif en produits de qualité ; sur le plan écologique par ses interactions avec l’en- vironnement, son impact sur les ressources naturelles et des paysages de qualité (l’ensemble Causses-Cévennes, inscrit au patrimoine mondial au titre de « pay- sage culturel de l’agropastoralisme méditerranéen » en 2011, ouvrira certainement

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