Écosystèmes | Médail, Frédéric

Écosystèmes 448 des paysages méditerranéens. Comme souvent, la réalité se situe probablement entre ces deux extrêmes... L’action humaine n’est pas toujours délétère et des usages traditionnels peuvent conduire à une augmentation locale de biodiversité taxonomique (nombre d’es- pèces différentes), grâce à une utilisation multifonctionnelle du paysage, alors divisé en zones de production de bois (sylva) , d’élevage des cheptels (saltus) et de productions agricoles (ager) , soit la triade de l’agro-sylvo-pastoralisme connue dès les Romains. En péninsule Ibérique, les agro-écosystèmes traditionnels de type montado-dehesa facilitent ainsi les « mosaïques tournantes » des divers stades dynamiques et contribuent au maintien d’une diversité élevée en espèces ani- males et végétales. Mais dans de nombreux cas, la destruction ou l’altération d’écosystèmes par l’homme ont été particulièrement marquées : les zones humides du littoral médi- terranéen sont réduites à peau de chagrin, victimes de la course aux terres arables, de captages d’eau, sans oublier la lutte contre la malaria, et plus récemment l’ur- banisation liée au tourisme balnéaire. Dès le v e siècle av. J.‑C., les Étrusques ont drainé certains marais autour de Rome, et de telles actions se sont démultipliées autour de la Méditerranée depuis 2 000 ans. Plus à l’intérieur des terres, la sur- face des marais anatoliens de la plaine de Konya a été réduite de 90 % entre 1984 et 2002 ; en Macédoine, 1 150 km 2 de zones humides ont été asséchés depuis 1930, alors que leur surface totale représentait à l’origine 1 570 km 2 . Au final, on chiffre la destruction des zones humides méditerranéennes à 1 million d’hectares, et ce, durant les seules 50 dernières années ! En milieu marin, les écosystèmes littoraux subissent les plus forts impacts. Le cas le plus emblématique est sans doute la régression des herbiers à Magnoliophytes (posidonie, cymodocée, zostères), constatée depuis plusieurs décennies. Même si la magnitude paraît relativement limitée à l’échelle du bassin méditerranéen (entre 0 et 10 % de pertes au cours du xx e siècle), certains secteurs connaissent des régressions bien plus importantes, comprises entre 5 et 8 % par an (Pergent et al. , 2012). Ces régressions affectent surtout l’herbier de posidonie et sont liées à l’anthropisation des rivages (urbanisation, construction de ports, pollutions, pêche, invasions biologiques), à laquelle se sont ajoutées récemment l’élévation des températures de l’eau, surtout durant l’été, et la remontée du niveau marin. À l’heure actuelle, l’écorégion méditerranéenne est bien l’un des principaux « biomes en crise » identifiés au niveau mondial, tant sur le plan de l’altération des écosystèmes que de celle de la biodiversité. Cette situation s’explique par l’impact croissant des populations résidentes et du tourisme, alors que le réseau des aires protégées demeure insuffisant.

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