Échelles du Levant | Buti, Gilbert; Raveux, Olivier

Échelles du Levant 437 nation ; ils sont en général relativement recherchés car avec leur nombre aug- mentent les ressources et le prestige de la nation. Au premier rang de ces protégés figurent les religieux destinés à pourvoir aux besoins du culte (chapelain du consul, curé de la paroisse) et aux missions religieuses mêlées notamment aux négociations pour le rachat des captifs de rançon. L’effectif des religieux n’a jamais été très important et semble décroître du xvii e au xviii e siècle : à Alep, important point de départ des missions vers la Mésopotamie, la Perse et l’Inde, on en compte 28 vers 1681, 14 en 1757 et 11 en 1789 ; ce recul, lié aux troubles que connaît la Syrie, est compensé par le développement de leur présence à Chypre et plus encore à Smyrne qui comptent respectivement 16 et 70 religieux vers 1770. Ces chiffres restent toutefois net- tement supérieurs à ceux rencontrés dans d’autres échelles ; ainsi, en 1775, on dénombre 5 religieux au Caire, 6 à Alger, 3 à Salonique, 2 à La Canée et 1 à Candie. Les ordres les plus anciennement établis sont les Pères de Terre sainte (franciscains, cordeliers), suivis des capucins et jésuites, considérés à Alep comme la « couronne des religieux ». En dehors de ces gens d’Église, les protégés comprennent des sujets du Grand Seigneur et des Européens dont les nations ne disposent pas de consulat. Les pre- miers, en nombre limité (une douzaine à Alep, qui en compte le plus, vers 1715 et la moitié à Seyde ou Smyrne), rendent divers services à la nation  ; ce sont notam- ment des drogmans, des garde-magasins et des courtiers ou censaux, indispen- sables aux transactions marchandes, quelques commerçants et de rares artisans (horlogers, arquebusiers, chirurgiens…). D’origines variées d’une échelle à l’autre ce sont surtout des Grecs, Arméniens, Syriens, maronites et plus encore des juifs, originaires du monde ottoman mais également des « juifs de chrétienneté » comme sont appelés ceux d’Europe parmi lesquels dominent les juifs de Livourne. Les sujets chrétiens des puissances étrangères sont surtout, au xviii e siècle, des Italiens (de Naples, Rome et du Piémont), des Maltais, des Flamands, des Nordiques, des Suisses, c’est-à-dire originaires de nations qui n’ont pas de consulat. Toutefois, si les Vénitiens, les Génois, les Anglais et les Hollandais ont leur propre organi- sation, la protection française reste recherchée par ces étrangers dans nombre de places, notamment dans les petites échelles peu organisées par ces Européens. La nation est ainsi constituée de tout un ensemble flottant dont l’importance est liée au rayonnement de celle-ci et qui participe réciproquement à étendre celui-ci ; ainsi, l’échelle de Smyrne, qui compte « plus de deux cents personnes » au milieu du xviii e siècle, en dénombre « 3 à 400 » en 1763, une progression qui constitue assurément un marqueur de sa prospérité commerciale. Le commerce qui anime les Échelles du Levant est d’abord une activité de transit de produits et de marchandises asiatiques : épices, porcelaine et soieries jusqu’au xvi e siècle, musc du Tibet, diamants de Golconde, indiennes du Nord

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