Échanges commerciaux (Antiquité) | Bouffier, Sophie; Carre, Marie-Brigitte

Échanges commerciaux 417 Qui étaient les acteurs de ces intenses trafics ? L’exemple de Trimalcion (Pétrone, Satyricon , écrit au i er siècle), archétype du parvenu enrichi grâce au grand commerce, a longtemps incité les historiens à évoquer une hypothèse de dérogeance, sur laquelle on est depuis largement revenu. Le plebiscitum clau- dianum de 218 av. J.‑C. interdit aux sénateurs et à leur famille de posséder des bateaux de mer d’une capacité supérieure à 300 amphores. Ce chiffre est suf- fisant, à cette époque, pour transporter le vin d’une très petite propriété, pas pour faire du commerce maritime et surtout pas pour en tirer profit ; ce texte, dont les nombreuses reprises montrent qu’il n’était pas appliqué, repose sur l’ir- ruption d’une idéologie de la petite propriété davantage que sur la réalité des faits. Au i er siècle av. J.‑C., dans une réflexion sur les métiers, Cicéron ( De offi- ciis , I, 150) considère que l’honorabilité se fonde sur l’utilité sociale : ceux qui font du commerce à grande échelle apportent des produits lointains, tandis que les boutiquiers ne confèrent aucune valeur ajoutée. Sous l’Empire, les exemples abondent de dynasties de marchands suffisamment fiers de l’origine de leur for- tune pour l’évoquer sur leur monument funéraire ou l’illustrer, telle la famille trévire des Secundinii enrichie par le commerce de la laine, sur un pilier de 27 m de haut édifié à Igel. Le grand commerce n’est donc pas déshonorant, mais il n’est pas convenable pour les sénateurs de s’y adonner ouvertement, ce qui n’a pas empêché ces derniers de pratiquer, souvent par le biais de leurs affranchis, pla- cements de capitaux, prêts financiers et grand commerce. Les diverses sources montrent ainsi toute une hiérarchie entre le détaillant ou boutiquier, les mar- chands qui s’associent à cinq ou six pour affréter le navire qui transporte leur cargaison d’huile ou de vin, le grand personnage qui associe le grand commerce à la ferme d’État, à l’image de l’infinie variété des échanges dans l’Empire romain. La part de l’État dans le ravitaillement est une autre question débattue. Les sources littéraires, juridiques et épigraphiques montrent bien la mise en place de toute une série de mesures destinées à assurer la fourniture du blé public, plus tard de l’huile, du vin et de la viande de porc, ainsi que du ravitaillement de l’armée sans pour autant qu’on puisse parler d’une prise en charge intégrale, la frontière entre commerce d’État et commerce libre étant floue. On peut, selon l’heureuse formule d’André Tchernia, parler pour ce dernier de commerce imbri- qué car, parallèlement aux fournitures essentielles, les marchands et toute une série d’intermédiaires profitaient des infrastructures publiques pour acheminer les produits secondaires consommés par les soldats qui disposaient d’un pou- voir d’achat non négligeable. Parmi les diverses mesures mises en place pour assurer le ravitaillement en blé de Rome, des avantages sont octroyés aux constructeurs de navires, et des bénéfices assurés aux négociants de la flotte du blé. Du point de vue technique, la logistique du transport a été très tôt affrontée au moyen d’infrastructures

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