Eau (gestion de l'eau) | Wateau, Fabienne

Eau 409 la qualité de l’eau au degré de salinité trop élevé ; le prix de l’eau lui aussi consi- déré comme trop élevé. Mais de façon plus subtile et complexe sont aussi énon- cés des obstacles sociaux, comme la dépendance des agriculteurs à un système de gestion collective qui suscite ici un profond sentiment d’injustice et conduit au rejet de l’irrigation (Gana et El Amrani, 2006). Pratiquer l’irrigation inten- sive s’est ici révélé plus risqué et plus aléatoire pour les populations. Dans les oasis du Jérid, en équilibre écologique et social depuis des siècles, l’expansion de nouveaux domaines irrigués pour la culture intensive de la datte a conduit à la multiplication des forages étatiques, et aujourd’hui, s’affranchissant des règles communautaires, à une irrigation individuelle sauvage où l’achat exponentiel de pompes diesel pour une irrigation d’appoint menace les nappes (Ruf et al ., 2012). L’eau payante des barrages et des réseaux d’adduction canalisés, par ail- leurs, qui s’opposent à l’eau gratuite du ciel et des flancs creusés de la montagne, bien que plus abondante parce que mieux gérée, devient pourtant moindre pour les populations les plus pauvres et accroît les disparités. L’eau facteur de développement ou facteur d’exode devient la nouvelle question à poser (Haït-­ Amara et al ., in Aubry, 2007). L’eau continue d’être un merveilleux prétexte et détonateur à l’altercation, mais rarement la cause première du conflit. Géographes et politologues insistent sur ce point, ne croyant guère aux guerres de l’eau des médias. Si la pression sur la res- source est bien réelle, ils préfèrent rappeler l’existence des conflits d’intérêt entre secteurs (agriculture, industrie et tourisme – dont les demandes d’eau potable en été croissent au moment où les ressources sont à la fois les plus faibles et les plus sollicitées par l’agriculture) (Drain, 2003), entre régions (notamment en Espagne avec les transferts massifs d’eau du nord vers le sud du pays) (Clarimont, 2009), ou entre pays pour des enjeux de pouvoir, de territoire et de religion, sur les trois bassins internationaux sensibles que sont le Nil, l’Euphrate et le Jourdain (Bethemont, 2001). Il s’agit de s’attarder sur l’importance des négociations, des places respectives de chacun, des crises et des phases de détente – la gestion de l’eau s’assure dans l’équilibre des pouvoirs, avance Marwa Daoudy (2005), non dans la maximisation de l’utilisation de la ressource par un seul État –, et de réussir une gestion internationale par bassins versants (Ghiotti, 2006). Les cours d’eau transfrontaliers sont en effet fréquents en Méditerranée, impliquant la dépen- dance hydrique des pays d’aval envers les pays d’amont (c’est le cas notamment entre l’Iran et l’Irak, la Turquie et la Grèce, l’Espagne et le Portugal ; 15 % des pays reçoivent plus de 50 % de leur eau de pays situés en amont). Ces situations obligent à la concertation entre les États et à la signature d’accords, les prises de décision unilatérales s’avérant être les véritables sources de conflit. Pour le moment, il n’existe pas de politique méditerranéenne de l’eau.

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