Eau (gestion de l'eau) | Wateau, Fabienne

Eau 407 coutumier et n’être inscrites nulle part, si ce n’est dans la mémoire de quelques anciens ou d’un responsable de l’eau. Mais si certains groupes ont en effet recours à des responsables de l’eau, à l’ aiguadier , au godda , au levador ou aux Homens Bons qui, pour ces derniers, tranchent chaque jeudi depuis plusieurs siècles au fameux Tribunal des eaux de Valence, d’autres s’en dispensent et procèdent par autocontrôle, par surveillance mutuelle. Tous les individus n’ont pas non plus droit à l’eau, des distinctions étant opérées entre les bénéficiaires, en géné- ral descendants des premiers exploitants de la ressource et constructeurs des aménagements hydrauliques, et les non-bénéficiaires, n’appartenant pas à ces familles ou récemment arrivés. Les droits d’eau reflètent l’histoire des sociétés (Aubriot et Jolly, 2002). Dans la vallée de Aït Bouguemez (Haut-Atlas maro- cain), par exemple, le droit d’eau est accordé à chaque village, puis à chaque parcelle cultivée. Le partage entre agriculteurs s’effectue soit en temps d’écou- lement, soit en hauteur d’eau apportée à chaque parcelle. Dans la vallée de la Lentilla (Pyrénées-Orientales), le droit d’eau est proportionnel à la surface culti- vée, calculé en temps, chaque propriétaire recevant la totalité du débit à inter- valle fixe (Ruf et al ., 2012). En d’autres endroits, le peigne du partiteur divise en parts égales, ou non, le débit de la rigole principale ; à moins que le partage de l’eau ne se fasse en volume à partir d’un bassin de rétention et à l’aide d’une canne ou d’une jauge (Humbert in Cressier, 2006 ; Wateau, 2002). Tous ces partages font l’objet d’une comptabilité extrêmement précise et minutieuse. Parfois, l’eau et la terre ne sont pas considérées ensemble, elles sont alors dites « célibataires » – comme en certains endroits du Maroc et du Portugal – et les droits d’eau distingués sont vendus séparément de ceux de la terre, l’eau pou- vant alors être réorientée vers n’importe quelle autre parcelle. Le roulement dans l’accès à la ressource apparaît comme un principe assez commun et partagé en Méditerranée, même si la complexité que revêtent parfois les tours d’eau (entre villages, entre quartiers, pour les familles, pour les jardins, selon les années paires ou impaires, en fonction du soleil, etc.) ne s’explique qu’au regard de l’ancien- neté du système et d’une logique de distribution de l’eau avant tout sociale. Les principes de roulement et d’équité, en d’autres termes, importent généralement plus que l’optimisation économique de la ressource. Les exemples pourraient être multipliés à l’envi. Droits et devoirs de l’eau ont longtemps structuré les sociétés rurales méditerranéennes. Certains espaces qui avaient été délaissés ou considérés comme obsolètes sont aujourd’hui réhabilités ainsi que leurs systèmes anciens de partage de l’eau. C’est le cas de régions où la question de la durabilité est aussi prise en compte, pour des raisons écologiques mais aussi politiques, comme en Provence ou au Maghreb. La réhabilitation du patrimoine architectural hydraulique de Provence, des béals notamment, a des visées touristiques et patrimoniales. Dans le même temps,

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