Décolonisation | Rappas, Alexis

Décolonisation 342 occidental au bloc communiste, d’autant plus que les États-Unis accordent la priorité à l’endiguement du communisme, quitte à tolérer la perpétuation du colonialisme par leurs alliés européens. À l’exception de Malte et de Chypre, qui rejoignent le Commonwealth britannique (jusqu’en 1974 pour Malte), tous les États méditerranéens, nouvellement émancipés, adhèrent par vagues successives au mouvement des non-alignés. L’Égypte joue un rôle capital dans le reposi- tionnement international des pays méditerranéens décolonisés : cofondatrice du mouvement des non-alignés en 1961, l’Égypte avait déjà participé à la confé- rence de Bandung, en 1955, dont le but était de lutter contre le colonialisme et le néocolonialisme. L’Égypte se pose alors également en champion du pana- rabisme, un mouvement politique et culturel – qui émerge avant la Première Guerre mondiale – très influent en Afrique du Nord et au Proche-Orient, qui promeut un nationalisme arabe transrégional, susceptible de résister aux inter- férences occidentales et dont al-Naqba constitue une référence clé. Ces initia- tives montrent que l’expérience du colonialisme crée des solidarités largement transimpériales, c’est-à-dire entre pays ayant été colonisés par des États diffé- rents, mais également transnationales comme le suggèrent par exemple les ana- lyses de l’écrivain Richard Wright, observateur de la conférence de Bandung, qui relie la condition des populations colonisées à celle des Afro-Américains. Ce type de parallèle, mettant en relief la transnationalité du racisme (le « rideau de couleur » selon Wright), mais surtout les grandes difficultés socio-économiques et politiques auxquelles sont confrontées les nations récemment émancipées – le « tiers-monde » évoqué par Alfred Sauvy en 1952, en référence à ces difficultés ainsi qu’à la position géopolitique de ces pays –, soulève la question de la réalité de l’indépendance acquise par les anciennes colonies européennes. La décolonisation comme processus : le legs colonial et la décolonisation inachevée L’histoire politique des décolonisations permet de saisir le moment et les raisons de la convergence entre divers facteurs qui ont précipité l’indépendance des pays des rives sud et orientale de la Méditerranée après la Seconde Guerre mondiale. Mais elle est marquée par une surdétermination chronologique susceptible de produire plusieurs déformations analytiques qu’un courant de recherche large- ment interdisciplinaire, informé par la théorie critique (Critical Theory) et la cri- tique littéraire, a plus récemment soulignées. La première difficulté épistémologique mais aussi politique de cette lecture de la décolonisation comme rupture, concerne la prémisse téléologique sur laquelle

RkJQdWJsaXNoZXIy NDM3MTc=