Décolonisation | Rappas, Alexis

Décolonisation 340 Les mandats français du Liban et de la Syrie, libérés de l’emprise du gouver- nement de Vichy par les Britanniques et les Forces françaises libres, sont les pre- mières dépendances européennes méditerranéennes à s’émanciper de la tutelle coloniale dans le sillage de la Seconde Guerre mondiale, respectivement en 1943 et 1946. Le Dodécanèse italien est rattaché à la Grèce en 1948. La Libye acquiert son indépendance en 1951 après l’évacuation des troupes britanniques et françaises qui occupaient le pays depuis la défaite de l’ancien colonisateur italien en 1943. Ailleurs en Méditerranée, la décolonisation suit une trajectoire dont le niveau de conflictualité dépend de quatre facteurs : la nature du lien politique entre « métropole » et « colonie », la présence ou non d’une population de colons européens dans cette dernière, les modalités de la résistance anticoloniale et les évolutions dans la valeur stratégique, politique et symbolique que la métropole attribue à ses dépendances. Dans l’après-guerre, les tentatives de redéfinition du lien politique entre métro- pole et colonies (voir dans le cas français la conférence de Brazzaville en 1944 et la création de l’Union française en 1946) n’offrent que des réponses symboliques à des revendications concrètes dans les colonies. Les protectorats français de la Tunisie et du Maroc ne gagnent leur indépendance en 1955 et 1956 qu’au prix d’une longue lutte politique encadrée respectivement par le Néo-Destour et par le parti de l’Istiqlal (« Indépendance », fondé en 1944), devenus des partis de masse, et marquée par des violences et des déportations (dont celle, au Maroc, du sultan Mohammed Ben Youssef et celle, en Tunisie, de Habib Bourguiba, secrétaire général du Néo-Destour). Toutefois la décolonisation de l’Algérie, qui fait juridiquement partie intégrante du territoire français et où vivent près d’un million de personnes, est autrement plus violente. Elle n’intervient qu’en 1962 après huit années de guerre opposant le Front de libération nationale ( fln ) algé- rien aux troupes françaises. Au cours de cette guerre qui ne dit pas son nom, l’ar- mée française, humiliée par sa récente défaite en Indochine (1954), répond aux attentats du fln par un usage extensif de la torture, de représailles collectives et de bombardements incendiaires. La conscription en France, la mobilisation d’un grand nombre d’intellectuels en faveur de la lutte algérienne (Manifeste des 121), l’isolement international grandissant de la France à la suite des réqui- sitoires répétés des nations nouvellement indépendantes aux Nations unies et la menace d’un coup d’État que l’armée française fait planer sur le gouvernement de la métropole, obligent ce dernier à concéder l’indépendance à l’Algérie en 1962. La guerre a fait plusieurs centaines de milliers de morts du côté algérien (25 000 du côté français), entraîné l’exode de près d’un million de personnes et la chute de la IV e République. Le mandat britannique sur la Palestine s’achève également dans une violence qui plonge ses racines dans les ambiguïtés du soutien de la puissance mandataire

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