Décolonisation | Rappas, Alexis

Décolonisation 339 cours de l’entre-deux-guerres. Ainsi, dans les colonies et protectorats français, aux partis gradualistes – tel le Comité d’action marocaine – luttant pour le déman- tèlement des mesures clairement discriminatoires (Code de l’indigénat partout dans l’Empire), ou intentionnellement clivantes (le « dahir berbère » imposé au sultan du Maroc), succède une génération plus maximaliste qui revendique la fin immédiate de la tutelle française. Tandis que le Comité d’action marocaine radicalise ses positions sous l’impulsion d’Ahmed Balafrej, Mohammed Ouazzani et Allal El Fassi, l’Étoile nord-africaine de Messali Hadj (1926‑1937), soutenue par le Parti communiste français, demande l’indépendance totale de l’Algérie. Dans le protectorat de Tunisie, le parti du Néo-Destour, né en 1934 d’une scis- sion avec le Destour, durcit également ses positions à la suite des événements du 9 avril 1938, au cours desquels les manifestations contre l’arrestation de jeunes nationalistes sont durement réprimées, faisant ainsi plusieurs morts. Cet événement est symptomatique de cette période de l’entre-deux-guerres durant laquelle la fierté impériale populaire dans les métropoles européennes (illustrée par exemple dans l’Exposition coloniale de 1931 à Paris) coexiste avec, et semble ignorer, une contestation anticoloniale grandissante. Moins qu’une réelle rupture, la Seconde Guerre mondiale opère comme un catalyseur et offre un terreau de développement à des mouvements indépen- dantistes bien constitués. La mise à contribution des colonies est encore plus importante que lors du précédent conflit : des centaines de milliers de sujets coloniaux sont mobilisés – plusieurs futurs chefs nationalistes ont combattu en Europe – tandis que sont organisées des réquisitions forcées de nombreux biens de consommation. Si ces mesures accroissent l’impopularité des régimes coloniaux, le déroulement de la guerre amoindrit le prestige, l’autorité mais également la puissance effective des métropoles, en particulier de la France, défaite et occupée en juin 1940 tandis que ses colonies d’Afrique du Nord passent sous occupation interalliée entre 1942 et 1943 dans le cadre de l’opé- ration Torch. Par ailleurs, le rôle déterminant des États-Unis et de l’ urss , puissances anticoloniales, et le sens idéologique donné à l’effort militaire des Alliés mettant en avant le droit de tous les peuples à librement choisir leur gou- vernement – incarné dans la déclaration du département d’État américain de 1942 sur l’« indépendance nationale des colonies » et la charte de l’Atlantique signée par la Grande-Bretagne et les États-Unis en août 1941 – sapent les fon- dements idéologiques du colonialisme. Enfin l’anticolonialisme métropolitain (essentiellement défendu par les partis communistes européens et leurs orga- nisations affiliées comme la Ligue anti-impérialiste britannique), dans l’entre-­ deux-guerres, gagne une partie croissante de l’opinion publique après la Seconde Guerre mondiale au fur et à mesure des guerres que les gouvernements sont contraints de mener pour maintenir leurs colonies.

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