Décolonisation | Rappas, Alexis

Décolonisation 338 en germe les éléments d’une contestation de la légitimité de l’assujettissement de populations non européennes et nourrissent l’argumentaire des mouvements anticoloniaux locaux, dont les revendications sont de plus en plus relayées par l’écoumène communiste à la suite de la création de l’ urss (reconnaissance de la commensurabilité de la révolution prolétaire et des luttes anticoloniales par le II e congrès du Comintern en 1920). Les déceptions liées au règlement de la Première Guerre mondiale alimentent une contestation anticoloniale polymorphe et grandissante dans l’entre-deux- guerres. En protestation contre la déportation de son chef Saad Zaghloul, le parti Wafd encadre en 1919 une révolte antibritannique qui permet au protectorat d’Égypte de devenir le premier État de la rive sud de la Méditerranée à accéder – formellement – à l’indépendance en 1922. Ailleurs, les révoltes anticoloniales sont d’autant plus systématiquement réprimées que la technologie militaire développée lors de la Grande Guerre est largement appliquée dans le cadre de ce que l’on appelle alors des « opérations de pacification ». Ainsi, afin de réduire la « révolte du djebel Druze », menée par Sultan al-Atrach dans la Syrie man- dataire (1925‑1927), l’armée française incendie les villages soupçonnés d’offrir un sanctuaire aux rebelles et procède aux déplacements forcés de populations. De même, dans le but de détruire la résistance sénoussie menée par le cheikh Omar al-Mokhtar dans les provinces italiennes de Cyrénaïque et de Tripolitaine depuis une vingtaine d’années (1911‑1931), le gouvernement fasciste a recours aux camps de concentration, aux bombardements aériens massifs et à l’utilisa- tion du gaz moutarde, y compris contre les populations civiles. Cette « pacifi- cation » ouvre la voie à l’établissement de colons italiens en « Libye », née de la fusion des deux provinces en 1934. La résistance anticoloniale peut excéder le cadre étroit du face à face entre métropole et colonie, même lorsqu’elle véhicule des revendications de type « national ». C’est le cas de pratiquement toutes les dépendances britanniques en Méditerranée au cours des années 1930. À Malte, les chefs de file nationalistes italophiles reçoivent une aide substantielle de l’Italie fasciste ; les Chypriotes grecs, qui revendiquent l’union de leur île à la Grèce, sont non seulement dis- crètement soutenus par cette dernière mais collaborent avec la diaspora dodé- canésienne grecque dont l’archipel est sous domination italienne ; enfin la Palestine mandataire constitue un cas à part, marqué par la Grande Révolte arabe de 1936 à 1939 sous l’égide du Grand Mufti de Jérusalem, Hadj Amin al-Husseini, contre l’immigration juive européenne en augmentation à la suite des persécutions nazies, et de l’acquisition et de la consolidation de terres par les nouveaux arrivés. Face au monopole de la violence des puissances coloniales, la résistance prend plus souvent une voie politique dont les objectifs et les argumentaires évoluent au

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