Course | Kaiser, Wolfgang

Course 317 Course La course est une « forme supplétive » (Fernand Braudel) de la guerre navale, un mode de belligérance dans laquelle un souverain ou un État associe des arma- teurs privés aux coûts et profits de la guerre sur mer. Les corsaires reçoivent une licence ou des « lettres de marque », établies sur la base du droit régalien de représailles, de ces autorités afin de courir sur l’ennemi avec lequel la puis- sance se trouve en état de guerre. En droit, la différence est donc nette entre le corsaire qui exerce une violence légitime qui lui a été déléguée par une autorité souveraine, et le pirate qui est un bandit sans foi ni loi, selon le célèbre dictum de Cicéron « ennemi du genre humain ». Comme la quête du butin et du gain est la logique fondamentale de l’arme- ment et de l’investissement du capital risque les transgressions sont pléthores, et la limite entre la course et l’exercice de l’ ars piratica constamment retra- cée à travers les régulations dans les trêves et paix, le droit des gens et le droit maritime et surtout, au cas par cas, par les amirautés et autres juridictions des prises. Les zones d’ombre persistent parce qu’elles sont sciemment entretenues par les puissances qui cherchent à instrumentaliser la piraterie – comme celle des Uscoques dans l’Adriatique – à des fins politiques et économiques. La vio- lence extraterritoriale est un élément important d’une politique mercantiliste qui comprend une guerre de nuisance contre les adversaires-concurrents, l’uti- lisation d’entrepreneurs de la violence et l’offre d’une protection efficace aux marchands qui leur assure une rente de situation. Cet usage de la violence mari- time est consubstantiel à la genèse des États modernes en Europe et se traduit dans une course instrumentalisée en Méditerranée durant les deux premiers siècles de l’époque moderne. En Méditerranée, la guerre de course s’inscrit d’une part dans l’affronte- ment entre musulmans et chrétiens dans la péninsule Ibérique, dit « de la Reconquista », et ses prolongations en Afrique du Nord, et fait partie des conflits guerriers liés à l’expansion ottomane. D’autre part, avec la présence croissante des puissances nordiques, l’Angleterre et les Provinces-Unies, en

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