Corail | Buti, Gilbert; Raveux, Olivier

Corail 311 véritable travail artistique. C’est d’abord en Sicile, à Trapani, que la sculpture sur corail se développe. Le travail par incision au burin connaît son âge d’or au xix e siècle dans les ateliers napolitains et marseillais, souvent associé à la pro- duction des camées. Dans l’industrie du corail, les compétences sont précieuses et les centres de fabrication ont cherché à contrôler les migrations ouvrières. Ainsi, en 1447, à Barcelone, le Conseil des Cent interdit aux corailleurs catalans d’émigrer ou d’exporter leurs outils en Barbarie. C’est le plus souvent peine per- due car les hommes et les savoirs finissent par circuler, suivant les besoins tech- niques ou l’extension des marchés. En 1685, les frères Lucena sont jugés à Gênes pour avoir envoyé à Livourne trois ouvriers de la République. Les gagnants du moment sont souvent les perdants de l’avenir. En 1781, la manufacture mar- seillaise Miraillet & Rémuzat ouvre ses portes avec l’expérience d’une trentaine d’ouvriers débauchés de Livourne. De nos jours, ces compétences sont extrême- ment localisées. Le travail est très étroitement associé à Torre del Greco, ville qui fournit l’essentiel de la joaillerie mondiale en corail. La matière première reste Corallium rubrum , une des variétés les mieux adaptées à la sculpture par incision avec Corallium japonicum . La situation actuelle du corail en Méditerranée est problématique. L’espèce continue d’alimenter un négoce et un artisanat à haute valeur ajoutée. Dans le même temps, les mesures de préservation restent insuffisantes à limiter les dégâts engendrés par les pêches. En mars 2010, à Doha, la conférence de la cites (Convention on International Trade in Endangered Species) a refusé d’appor- ter sa protection au corail rouge de Méditerranée. Le danger est pourtant bien présent, pour au moins deux raisons qui cumulent leurs effets. D’un côté, la hausse des températures et l’acidification des eaux de la Méditerranée depuis les débuts de l’ère industrielle semblent avoir entraîné une mortalité accrue des mas- sifs coralligènes. De l’autre, et même si la pêche du corail fait désormais l’objet d’une réglementation assez contraignante dans le cadre des plongées avec bou- teilles, les prélèvements illicites demeurent importants, notamment sur les côtes du Maghreb. Encouragé par la forte valeur marchande d’une matière première de bijouterie qui n’a jamais aussi bien porté son surnom d’« or rouge », ce pil- lage des fonds marins est d’autant plus destructeur qu’il s’effectue parfois avec une croix de Saint-André composée de rails ou de poutrelles de fer. Gilbert Buti et Olivier Raveux ➤➤ Cités barbaresques, échanges commerciaux, Échelles du Levant, écosystèmes, géographie, juifs, littoral, pêche

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