Corail | Buti, Gilbert; Raveux, Olivier

Corail 310 côte de Coromandel, des diamants de Golconde, du musc du Tibet et des por- celaines de Chine. Il a intégré et imprégné des cultures très lointaines et parti- cipe à cette dilatation eurasiatique des marchés de produits et à l’avènement de nouvelles habitudes de consommation à l’échelle du monde. L’histoire a néan- moins son côté honteux et tragique car le corail a parallèlement joué un rôle dans l’intégration de la Méditerranée au commerce triangulaire. Il est en effet une « monnaie négrière » de premier choix. Dès lors, avec la poudre à canon, les miroirs ou la quincaillerie, le corail est présent dans les cales des navires gagnant les côtes d’Afrique occidentale, du Sénégal à l’Angola, pour la traite des Noirs. Il est même, ainsi que l’écrit en 1764 le Français Augustin Chambon dans son Commerce de l’Amérique par Marseille , « la meilleure de toutes les marchan- dises qui entrent dans la cargaison d’un négrier ». En Angola, en 1706, « un nègre du pays » se troque contre deux onces de corail. Au Bénin, à la fin du xviii e siècle, un collier de corail permet aux Européens d’emporter un esclave pour les Amériques. En matière d’industrie, souvent avec l’aide des marchands et des artisans juifs, les Italiens ont fait du corail leur affaire. Plusieurs villes se sont succédé dans le leadership de la fabrication : Alghero (Sardaigne) au Moyen Âge, Trapani (Sicile) lors de la Renaissance, Gênes à l’âge baroque, Livourne au Siècle des lumières, avec la célèbre manufacture des négociants juifs Attias, puis Torre del Greco (golfe de Naples) à partir du début du xix e siècle. Faut-il réduire pour autant le travail du corail à une spécialité italienne ? Selon les périodes et pour des durées inégales, Chypriotes, Catalans et Provençaux ont tenté de se faire une place. Hors d’Italie, la fabrication reste toutefois assez précaire. Elle s’installe, régresse ou disparaît au gré des possibilités d’approvisionnement en matières premières et de l’efficacité des réseaux de commercialisation. L’essentiel du travail porte longtemps sur la fabrication de grains (perles) aux formes variées (olives, olivettes, lentilles, boutons…) et destinés à la confection de bijoux et de chapelets (patenôtres). Pour l’essentiel, on coupe, on taille, on perce et on polit. La main-d’œuvre est surtout féminine. Pour les marchands-fabricants, il s’agit d’employer les femmes de marins et de pêcheurs dans le cadre du tra- vail à domicile, un labeur s’effectuant le plus souvent sur les quais mêmes des ports ou dans les rues et ruelles alentour. L’importance de cette présence fémi- nine se retrouve dans les ateliers et les manufactures, comme peuvent en témoi- gner le tableau de l’intérieur de la manufacture royale de Marseille à la fin du xviii e siècle (musée de la Marine, Marseille) et la toile de Gioacchino Toma représentant les corallaie de Torre del Greco à la fin du xix e siècle (collection Banca di Credito Popolare). L’industrie du corail s’est-elle exclusivement can- tonnée à des travaux grossiers de simple mise en forme ? Certainement pas. Au xvi e siècle, la fabrication traditionnelle évolue et commence à se doubler d’un

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