Conversion | Abécassis, Frédéric

Conversion 302 l’un et l’autre cas on ait tenu à les marquer par l’avènement de nouveaux calen- driers. Mais le temps et l’activisme ne sont pas seuls en cause dans cette échelle de température. Il est des conversions qui s’effectuent dans le silence – et dans la mutité des sources ; d’autres, qui font scandale, suscitent polémique, recours et justifications, et laissent autour d’elles des traces archivistiques ou mémo- rielles abondantes et parfois polyphoniques. Dynamiques de la conversion Le bruit qui accompagne certaines conversions « chaudes » est le matériau à par- tir duquel les historiens – ou les anthropologues – peuvent travailler. On a pu ainsi, à partir d’un cas de conversion de deux jeunes filles du judaïsme au catho- licisme dans l’Égypte « libérale » de 1930, montrer que ces polémiques sont un mode de construction et de réactualisation des identités : autant qu’une transgression, ces conversions apparaissent, dans le développement du débat, comme un signe de ralliement permettant de recomposer les appartenances lorsque les frontières tendent à s’estomper. Par son aspect transgressif, une conversion ébranle des autorités instituées, qu’elle relègue séance tenante vers la « tradition ». En l’occurrence, dans le cas évoqué, c’est le père de famille qui est remis en cause, dans sa capacité de transmettre la « religion de ses pères » et dans l’orientation scolaire – une école catholique de langue française – qu’il a choisie pour ses enfants. Mais c’est aussi le rabbinat dans sa capacité d’encadrer ses fidèles : de fait, le grand rabbin du Caire ne peut que suggérer d’envoyer l’une des deux sœurs dans une école juive en France, avouant en quelque sorte son impuissance à la convaincre de son erreur. Au-delà, c’est le Conseil de la communauté israélite du Caire qui est invalidé et vertement critiqué pour son incapacité à mobili- ser des financements et à construire des écoles juives, susceptibles d’éviter aux familles de la communauté de telles mésaventures. Ces autorités devenues « traditionnelles » n’ont d’autre recours que de réclamer un arbitrage auprès du représentant d’une France s’affichant volontiers « protectrice des chrétiens d’Orient ». Celui-ci était seul habilité à demander aux autorités égyptiennes un éloignement du pays de la religieuse considérée comme responsable de la conversion d’une enfant mineure à l’insu de ses parents. Le ministre de France, sensible aux risques que l’accusation de prosélytisme faisait courir aux œuvres françaises, aurait volontiers donné gain de cause aux plaignants, mais il devait composer avec des instances du catholicisme ayant prétention à intervenir dans le champ égyptien : l’évêque grec-catholique du Caire, qui avait fait venir en 1909 la congrégation française pour s’occuper des œuvres éducatives de sa

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