Conversion | Abécassis, Frédéric

Conversion 299 affiliations. Mais c’est d’abord celui qui a vu, à la fin de la période royale juive (vi e siècle), la transformation d’une monolâtrie en monothéisme uni- versaliste : avec l’exil à Babylone, la religion tend à se dissocier du territoire, et par ailleurs l’importance croissante de la Torah transforme le rapport à la religion du peuple d’Israël. Elle n’est plus le recours à la protection tutélaire du Dieu unique, mais observance de sa loi. Le christianisme marque une seconde étape, déterminante, dans le changement de statut du religieux : en instaurant pour chacun une relation individuelle avec Dieu, il donne un sens nouveau à l’existence de ses fidèles. Investie par Constantin et ses successeurs de la mission de conduire les populations de l’Empire romain vers le salut, l’Église charge alors la conversion d’un sens exclusivement reli- gieux ; et c’est tout naturellement que les califes régneront sur une commu- nauté de croyants. Le passage du paganisme au christianisme et, jusqu’à un certain point, du christianisme à l’islam, a scandé l’histoire des civilisations et de la spiritualité en Méditerranée. Mais la spécificité de cet espace tient aussi à ce que, politique- ment et religieusement unifié sous l’Empire romain dès les débuts du christia- nisme, il s’est progressivement érigé, à partir du viii e siècle, en frontière entre la Chrétienté et l’islam d’un côté, et entre chrétientés d’Orient et d’Occident de l’autre. Des croisades à la reconquête d’al-Andalus, de la course aux conquêtes ottomanes, de la colonisation à la décolonisation, la Méditerranée fut un théâtre d’affrontements militaire et idéologique. Les conversions, quel qu’en ait été le sens, ont fortement contribué à la consolidation de ces frontières, tout en met- tant en place les conditions mêmes de la survie des individus et des groupes, et sans doute bien plus souvent qu’on l’imagine, celles du vivre-ensemble. Classifications et typologies De quelque côté que l’on se tourne, la conversion a pourtant mauvaise presse, peut-être parce que toute assertion à son sujet demeure réversible. On pour- rait ainsi penser que c’est du côté de la religion quittée que la stigmatisation est la plus forte ; en effet, dès les débuts de l’islam, l’apostasie est considérée comme une trahison et punie de mort. Mais la religion qui accueille n’est parfois pas moins soupçonneuse envers les nouveaux convertis, qui peuvent longtemps, avec leurs descendants, être considérés comme un groupe à part. Qu’ils se distinguent par leur zèle ou par la pratique secrète de leur ancienne religion, c’est la sincérité même de la conversion des marranes ou des morisques qui a pu être mise en doute par les tribunaux de l’Inquisition, avec des conséquences tout aussi sévères. On a pu à l’inverse souligner

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