Conversion | Abécassis, Frédéric

Conversion 298 Conversion La conversion désigne « l’éventail de processus par lesquels des individus ou des groupes viennent s’engager dans des croyances, des rituels, mais égale- ment des pratiques sociales et matérielles différentes de ceux de leur nais- sance ». La définition proposée par Mercedes García-Arenal (2001, p. 7) élargit considérablement le sens usuel de passage d’une religion à l’autre. C’est en effet l’appartenance dans son ensemble, et pas seulement le reli- gieux, qui est en cause dans les conversions. Peut-être faudrait-il ajouter à cette définition le fait que le terme possède, ou a accumulé au cours du temps, une charge affective forte. La conversion peut être célébrée comme le moment fondateur d’une religion, d’une spiritualité ou de temps nou- veaux : les églises de Rome, à commencer par les fresques de Raphaël au Vatican, ne manquent pas de saluer la conversion de Constantin au christia- nisme en 312. La conversion marque en ce cas l’expression triomphale de la vérité, et sa victoire à la bataille du pont Milvius la fin des persécutions et le début de l’expansion du christianisme dans l’Empire romain. Mais le terme semble tout autant, sinon davantage, chargé d’une connotation négative. Son étymologie renvoie à une idée de retournement, de changement brusque, le préfixe soulignant la dimension accompagnée – ou collective – de l’acte. Aux figures historiques de convertis reste attaché un certain opprobre, et les termes péjoratifs ne manquent pas pour les désigner : renégats, m’tourni (littéralement « retourné ») incarnent deux figures symétriques de transgres- sion lorsque la Méditerranée est devenue frontière entre le monde chrétien et le monde musulman. Et si les renégats ont pu constituer au Maghreb à l’époque moderne une véritable caste au rôle militaire et politique impor- tant, assez comparable à celui des janissaires ou des mamelouks en Orient, le terme a été forgé en Occident au xv e siècle autour de l’idée de reniement de sa religion et demeure voisin de l’idée de trahison. L’espace méditerranéen n’est pas le seul où se soient opérés, depuis la plus haute Antiquité, ces processus de transformation des croyances et des

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