Contrebande | Correale, Francesco

Contrebande 295 que son état de neutralité pendant la Grande Guerre (1914‑1918) la transforme en une véritable plateforme de tout type de commerce. Avec l’implantation des pays européens sur toute la rive sud de la Méditerranée, la contrebande d’armes et de munitions se développe parallèlement aux guerres de résistances anti­ coloniales, alimentée par les États rivaux : l’Espagne, l’Allemagne et l’Angleterre favorisent l’exportation de matériel de guerre pour les Algériens ; puis pour les Marocains qui combattent contre la mainmise française ; la France, l’Empire ottoman et l’Allemagne font de même pour les résistants à la pénétration ita- lienne en Tripolitaine et Cyrénaïque, etc. En Orient, les Balkans, qui sont dans une situation de conflit permanent de la fin du xix e siècle jusqu’aux années 1920, deviennent le foyer principal des trafics d’armes et de marchandises qui des- cendent le Danube, traversent la Bosnie et arrivent jusqu’aux portes d’Istanbul. Sans parler des liaisons entre les rives occidentale et orientale de l’Adriatique et des archipels grecs et turcs qui sont de véritables abris pour les « contrebandiers ». Trois événements majeurs créent les conditions pour le fleurissement d’une contrebande méditerranéenne globale, pour laquelle il est presque impossible d’isoler les responsabilités : la guerre du Rif (1921‑1926), la guerre civile espa- gnole (1936‑1939) et le second conflit mondial (1939‑1945). Les situations de guerre provoquent une reproduction de tous les aspects « délictueux » aupa- ravant observés, mais ce qui détermine l’augmentation des trafics considérés illicites est la situation de pauvreté de l’après-guerre, notamment à la fin de la Seconde Guerre mondiale. La présence des marchés noirs dans tous les pays impliqués par le conflit est l’indice principal de cette contrebande qui, fina- lement, joue, encore plus que pour le passé, le rôle de véritable amortisseur social. Tous les produits de première nécessité sont l’objet d’un commerce clandestin qui augmente au moment du débarquement des Alliés en Afrique du Nord et en Sicile. Les marchandises, qui arrivent dans leur sillage, entrent dans tous les marchés noirs, en Italie comme en France ou au Maroc. La situa- tion de crise favorise l’émergence de nouveaux types de contrebandiers : non plus des marchands qui, avec plus ou moins la complicité des États dont ils relèvent, cherchent à augmenter leurs profits, mais des réseaux criminels qui se dressent en véritables contrepouvoirs dans des États en reconstruction, et notamment en Italie. C’est surtout la contrebande du tabac étranger (améri- cain pour la plupart) qui fournit une base économique solide aux organisa- tions meurtrières telles la Mafia, la Camorra, la N’Drangheta et, en dehors de l’Italie, aux clans marseillais. Jusqu’en 1956, les bases les plus importantes sont Tanger et Gibraltar ; puis les chargements de cigarettes se font à Marseille, au cap d’Antibes, à Nice, Gênes, Naples et ensuite sur l’île d’Ustica. Le boom de ces trafics délictueux est atteint entre 1970 et 1973, lorsque par exemple seu- lement en Campanie (Italie du Sud) l’industrie de la contrebande du tabac

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