Contrebande | Correale, Francesco

Contrebande 293 comptoirs de la mer Noire. Une contrebande de fusils et munitions se fait aussi dans l’Ouest maghrébin, favorisant la puissance de la dynastie saâdienne dans l’actuel Maroc entre le xv e et le xvi e siècle. La France, l’Angleterre, l’Espagne et le Portugal se fournissent à nouveau en sucre provenant d’Afrique, produit qu’ils échangent contre des armes. Il est à remarquer que cette introduction des armes à feu permet aux Saadiens de conquérir et de détruire l’Empire songhay, dans l’Afrique occidentale, altérant à jamais les équilibres géopolitiques des régions saharo-sahéliennes. Dans les mêmes périodes, ce sont les relations entre la république de Venise et le Sultanat ottoman qui offrent un mélange de commerce formel et informel. Toutes les marchandises transportables, conservables et non prohibées, se négo- cient sur les places du Levant comme dans une bourse moderne. Pour les articles dont le commerce est interdit – armes, poudres, chevaux, bois, cordages, toiles pour les voiles, plomb, fer, salpêtre, poix, soufre, auxquels on peut ajouter pour Venise l’étain et pour l’Empire ottoman l’argent et le cuivre –, il se fait une active contrebande des deux côtés de la Méditerranée. Mais les marchands vénitiens sont attirés également par le blé, qu’ils importent dans la République en l’ache- tant directement aux latifundistes turcs, évitant de passer par les douanes impé- riales. Cette activité semble être constante dans le temps, au point de créer de véritables déficits dans les recettes douanières de la Sublime Porte dont le gou- vernement, tout au long du xviii e siècle, mène vainement une action de répres- sion du commerce illicite des grains à l’encontre de tous les fonctionnaires et les marchands impliqués. Pour les économies protocapitalistes du bassin méditerranéen, la contrebande est une source constante et régulière d’enrichissement. Elle devient au fil des siècles un instrument de résistance complémentaire au commerce officiel frappé par les impôts, permet aux petites et moyennes puissances comme Gênes et Venise de faire face aux États impériaux comme l’Espagne après 1492, la France de la Renaissance, le Sultanat ottoman ou l’Angleterre qui commence à prendre pied en Méditerranée. Ainsi, par exemple, la contrebande de sel est omniprésente depuis le Moyen Âge. D’un côté, de petites entités politiques, comme la répu- blique de Raguse, cherchent à contraster par ce moyen l’exclusivité du commerce du sel que Venise prétend avoir dans toutes les régions adriatiques ; de l’autre, Gênes essaie de conquérir le monopole des transactions vis-à-vis des États ange- vins et notamment de la Provence, fermant toute importation de sel proven- çal dans la République, ce que ses marchands n’acceptent pas, lesquels finissent par acheter à Nice en contrebande le bien interdit. Au cours du xvi e siècle, le tabac, arrivé du continent américain, devient, avec le sel, la marchandise la plus convoitée par les trafiquants. Plus au sud, sur les côtes du Salento, dans le vice-­ royaume espagnol de Naples (puis royaume de Naples), une intense activité de

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