Conflit | Sintès, Pierre; Cattaruzza, Amaël

Conflit 277 les mener au bord de l’affrontement, comme celle entre la Turquie et la Grèce en 1994 autour de la possession de l’îlot d’Imia, voire à des conflits de rang 2, hérités d’un premier conflit comme à Chypre. Dans l’ensemble du bassin médi­ terranéen, ces conditions historiques ont conduit à la présence d’États lourde- ment armés (les dépenses militaires représentent pour la Turquie et la Grèce 3 %, pour la Syrie et le Liban 4 %, pour Israël 6 % de leur pib respectif ). Mais dans cette région comme dans le reste du monde, des conflits d’un nouvel ordre apparaissent. Aujourd’hui, ce sont trois zones de conflits majeures à l’échelle planétaire que l’on peut identifier en Méditerranée : la première est la région proche-orientale autour de l’État d’Israël, des territoires occupés en viola- tion du droit international, et, depuis 2011, de la Syrie, avec notamment l’exten- sion du califat autoproclamé de Daesh à ces régions proches de la Méditerranée ; la deuxième est le Maghreb et plus particulièrement l’Algérie qui a connu de nombreuses violences depuis 1992 et dont l’extension se fait désormais vers le sud avec l’émergence de nouveaux acteurs tels que aqmi agissant dans le cadre de la guerre terroriste ; la troisième dans la péninsule Balkanique où les combats ont été très meurtriers entre 1990 et 1999. Sans s’arrêter sur leurs déve- loppements factuels, tous sont révélateurs de transformations contemporaines car, à partir de territoires restreints, ils concentrent de nombreuses échelles de pouvoir et d’acteurs. Dans l’ensemble de ces cas, la légitimité du rôle de l’État est souvent mise en cause, relevant de processus de balkanisation, de libanisa- tion, ou d’éclatement des États en lien avec l’émergence de forces centrifuges. Ailleurs que dans les Balkans, les mouvements nationalistes corse ou berbère rappellent que le processus est bien attesté en Méditerranée. Ce type de conflit peut conduire au développement de guerres asymétriques telles qu’elles sont menées dans les territoires occupés par Israël, mais aussi dans les combats qui ont eu lieu au moment de la décennie noire algérienne ou au moment des prin- temps arabes en 2010‑2012. Ces nouvelles conflictualités renvoient au concept d’États défaillants, qui désigne des États incapables d’assumer leurs fonctions premières (contrôle du territoire et protection des populations). La multipli- cation des interventions militaires internationales par des opérations de main- tien de la paix ou de protection des populations civiles (Bosnie-Herzégovine en 1992, Kosovo en 1999, Libye en 2011) affirme de son côté la notion d’État voyou (c’est-à-dire dont les agissements contreviendraient au droit international ou qui constitueraient une menace pour la paix) mobilisée généralement pour justifier cette régulation internationale de la violence.

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