Conflit | Sintès, Pierre; Cattaruzza, Amaël

Conflit 274 des acteurs non méditerranéens au gré de leurs propres intérêts, et en dehors de toute considération historique ou culturelle locale. C’est ainsi que la guerre froide s’est incarnée en Méditerranée par l’insertion des différents pays dans les systèmes d’alliances opposant les deux blocs. L’ otan y a été présente en inté- grant progressivement de nombreux pays de la rive nord. L’association simulta- née de la Turquie et de la Grèce en 1952, ennemis historiques du bassin oriental, donne un exemple de domination de la logique englobante sur les histoires par- ticulières. Au contraire, le pacte de Varsovie a dû faire face aux défections bal- kaniques (rupture avec la Yougoslavie en 1948, l’Albanie en 1968) et nouer des alliances militaires peu efficaces auprès des régimes égyptien, syrien et irakien. Sur le long terme, la stratégie des États-Unis indique les inflexions du statut géo- politique de la région. Pour la première puissance mondiale, la Méditerranée est une zone de contrôle et de pénétration stratégique vers le continent eura- siatique, un espace de transit pour l’approvisionnement en pétrole via le canal de Suez. Depuis la fin de la guerre froide, l’objectif de stabilisation et de sécu- rité de la Méditerranée, tel qu’il est entendu par la Maison-Blanche, a conduit à l’extension des positions de l’ otan sur l’ensemble de la rive nord (Slovénie, Bulgarie, Roumanie en 2004, Albanie en 2009). La teneur de cette activité diplo- matique et militaire permet, néanmoins, de signifier la relégation évidente de la Méditerranée au rang de frange géopolitique marginale par rapport aux enjeux internationaux les plus brûlants. Celle-ci ne vaut plus que par son insertion ou sa proximité avec d’autres régions, autour desquelles elle est considérée comme une base arrière opérationnelle : l’Afrique saharienne, le Proche et le Moyen-­ Orient, l’Europe orientale. Lors des dernières décennies, les conflits qui l’ont menacée sont d’ailleurs venus de ces proximités. Disparités économiques et migrations : des conflits en puissance ? Il est souvent aussi avancé que, parmi les pays touchés par les conflits, ce sont les plus pauvres qui se trouvent au premier rang (O’Loughlin, 2005) : sur la cen- taine de pays affectés par un conflit armé durant les trois dernières décennies du xx e siècle, 87 étaient, d’après l’Institut international de recherche sur la paix d’Oslo, des pays en voie de développement, et 36 des pays à bas revenus. Même s’il demeure nécessaire de nuancer cette hypothèse, car les conflits comportent toujours une dimension politique, force est de constater qu’elle sous-tend une bonne part de la politique internationale de prévention des conflits dans le monde. C’est une telle politique que l’Union européenne cherche à instituer dans le bassin méditerranéen depuis sa Politique méditerranéenne globale de 1972 jusqu’au processus de Barcelone de 1995. Ces différentes initiatives sont fon- dées sur l’idée que le développement serait le meilleur remède contre la guerre ou l’instabilité politique. Son dernier avatar est la nouvelle Politique européenne de

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