Colonisation | Sèbe, Berny

Colonisation 270 juives (décret Crémieux de 1870) et les colons non français (loi sur la natio- nalité de 1889) et favorisa le développement de la colonisation libre. On passa ainsi de 25 000 Européens en 1839 à près de 600 000 au tournant du siècle (pour atteindre environ 1 100 000 en 1955). Si les apoikoi (littéralement, « gens de la maison ») grecs fondaient des cités (polis) indépendantes et autogouver- nées, les colons d’Algérie restèrent beaucoup plus étroitement liés à leur métro- pole, dont ils se réclamaient avec ferveur. L’instauration du protectorat français sur la Tunisie en 1881, puis celui sur le Maroc en 1912, engendrèrent des mou- vements de population significatifs : en 1955, on dénombrait 185 000 Français en Tunisie et 410 000 au Maroc. La colonisation italienne de la Libye, hésitante jusqu’à l’avènement de Mussolini et à sa défense du concept de « thalassocratie » articulée autour du contrôle de la Méditerranée italienne, ne parvint jamais à dépasser le chiffre maximum de 150 000 colons ; elle fut proprement médi- terranéenne puisque essentiellement côtière. L’ère des décolonisations, entre l’éviction des Italiens en Libye pendant la Seconde Guerre mondiale et l’indé- pendance de l’Algérie en 1962, conduisit au rapatriement massif des populations européennes installées sur les rivages méridionaux de la Méditerranée. Dans de nombreux cas, les « rapatriés » découvraient une métropole souvent rêvée mais qu’ils n’avaient jamais visitée eux-mêmes. Parce qu’elles historicisent et formalisent des migrations humaines qui ont toujours existé, et impliquent des changements socioculturels et politiques fonda- mentaux qui altèrent les rapports de force intercommunautaires, les colonisations ont pour effet d’introduire des ruptures dans l’histoire d’un lieu. L’interprétation du passé devient rapidement sujette à controverses. Les autorités coloniales fran- çaises et certains colons s’efforcèrent d’exhumer les vestiges romains d’Algérie et de revaloriser le passé chrétien du pays (notamment au travers de la figure de saint Augustin, né à Thagaste et mort à Hippone) pour y justifier le « retour » de la « fille aînée de l’Église ». De même, les Italiens s’empressèrent de restaurer les vestiges romains de Libye pour appuyer une revendication d’antériorité dans l’occupation du territoire. Au contraire, les États algérien et libyen issus des luttes pour l’indépendance revendiquent leur arabité et célèbrent volontiers leur passé ottoman, et réclament régulièrement des dédommagements pour les préjudices qu’ils estiment avoir subis pendant la colonisation européenne. Bien que l’ère des décolonisations ait marqué la fin de la majeure partie des tentatives de colonisation, et des conflits que celles-ci engendrent, plusieurs foyers de tension dont les enjeux tournent autour de questions de « colonisa- tion » existent toujours autour du bassin méditerranéen. La résolution du plus célèbre d’entre eux, le conflit israélo-palestinien, butte notamment sur le statut des colons juifs installés sur des territoires conquis par la force à l’occasion de la guerre des Six Jours (1967). La création de l’État d’Israël en 1948 avait déjà

RkJQdWJsaXNoZXIy NDM3MTc=