Colonisation | Sèbe, Berny

Colonisation 268 des possibles pour les Européens, la solidité de l’Empire ottoman et la puissance et la cohésion du monde musulman expliquent que le début de l’ère des grandes colonisations européennes ait été marqué par des activités qui restèrent en marge de la Méditerranée : il est révélateur à cet égard que Christophe Colomb soit parti du port de Palos de la Frontera, situé légèrement à l’ouest du détroit de Gibraltar. Si l’Espagne et la Grande-Bretagne figurent historiquement parmi les plus grandes nations colonisatrices, leur action est restée limitée dans le bassin méditerranéen. La colonisation d’une grande partie des Antilles et de l’Amérique du Sud, ainsi que de certaines régions asiatiques, pratiquée par la première, et le développement de sociétés fondées sur le modèle anglais en Amérique du Nord, Australie, Nouvelle-Zélande et même en Afrique du Sud, n’ont pas eu d’équiva- lent en Méditerranée. Les cas de Gibraltar, Ceuta et Melilla font figure d’excep- tion et témoignent de considérations plus stratégiques que coloniales. Berceau du principe de colonisation, la Méditerranée se trouva ainsi globalement épar- gnée par le phénomène de l’appropriation de terres par des colons durant plu- sieurs siècles (entre la reconquête et le xix e siècle), alors que, grâce au dynamisme démographique des métropoles, il battait son plein ailleurs dans le monde, mené à marche forcée par cinq puissances européennes, dont deux avaient pourtant un accès direct à cette mer Intérieure. La densité de peuplement autour de Mare Nostrum et la confrontation sécu- laire entre Islam et Chrétienté expliquent en grande partie la relative stabilité des rapports de force entre les deux rives de la Méditerranée jusqu’au xix e siècle. L’affaiblissement progressif de l’Empire ottoman, les progrès techniques de la révolution industrielle (qui améliorèrent entre autres l’armement, la naviga- tion et la prophylaxie des pays du Nord méditerranéen) et le renforcement de la compétition entre les puissances européennes consolidèrent l’Occident chré- tien, au détriment de la Méditerranée musulmane. Le xix e siècle vit un trans- fert de populations du nord du bassin vers les rives méridionales d’une ampleur sans précédent : le nombre d’habitants d’origine européenne installés en Afrique méditerranéenne passa de 20 000 en 1825 à 1 660 000 en 1935. La rivalité pour le contrôle de la Méditerranée fut d’abord franco-anglaise : les guerres napoléo- niennes avaient montré l’intérêt stratégique de cette mer. En temps de paix, la Grande-Bretagne y voyait le moyen de contrôler plusieurs régions géostratégi- quement importantes, et de raccourcir considérablement les délais de commu- nication avec sa lointaine colonie indienne (surtout après l’achèvement en 1869 du canal de Suez, sous l’impulsion de Ferdinand de Lesseps et Napoléon III). Du côté français, l’intérêt pour la Méditerranée devint plus évident après que l’ex- pédition d’Alger (1830) eut lancé presque par hasard le processus de conquête de l’Algérie en dépit de l’opposition à peine voilée de l’Angleterre. Si les Anglais allaient se limiter en Méditerranée à un impérialisme fondé sur le contrôle

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