Cinéma | Gaertner, Julien

Cinéma 247 En écho aux questions de société posées par le cinéma français, les cinéastes maghrébins mettent en scène un quotidien dont la seule issue est le départ vers un hypothétique eldorado occidental ( Harragas , Allouache, 2009 ; Sur la planche , Kilani, 2011). Un thème de l’exil récurrent depuis les débuts du cinéma au Maghreb ( Les Ambassadeurs , Ktari, 1977), bien que celui de la guerre d’in- dépendance soit lui aussi toujours vivace en Algérie, comme en témoigne la fresque historique dédiée au commandant du fln Mostefa Ben Boulaïd (Rachedi, 2008). Mais avec les révolutions en Tunisie et en Égypte ou les manifestations réclamant davantage de libertés au Maroc, le cinéma du monde arabe réagit et s’éloigne des sujets balisés. Il s’attache à des questions de société dans le royaume chérifien ( C’est eux les chiens , Lasri, 2013), fait face à la révolution en Égypte ( 18 jours , 2010, et Après la bataille , Yousry Nasrallah, 2012), tout comme en Tunisie ( Plus jamais peur , Ben Cheikh, 2011) où sont posées des questions d’identité nationale aux fortes résonances politiques ( Laïcité Inch’allah, El Fani, 2011). Autant de films qui permettent une visibilité accrue à ces pays dans les grands festivals internationaux. Ces circulations de cinéastes, de financements et de films en Méditerranée illustrent une autre dimension d’un cinéma qui apparaît aussi comme un cinéma de diasporas. En effet, le septième art en Méditerranée peut-il se résumer aux films des pays de son pourtour ? La question se pose à l’heure d’un cinéma mondialisé, tant l’influence des diasporas méditerranéennes est remarquable. Avant que le fils d’immigrés turcs Fatih Akin ne s’impose comme un cinéaste majeur en Europe ( Head On , 2003) et en Allemagne ( Crossing the Bridge – The Sound of Istanbul , 2004 ; Soul Kitchen , 2009), et que les enfants de l’immigration maghrébine ne tiennent le haut de l’affiche en France, les auteurs d’origine italienne avaient déjà contribué au renouvellement du cinéma américain. Cette diaspora prit le pouvoir dans des studios hollywoodiens à bout de souffle dans les années 1970. L’ascendance transalpine de Michael Cimino, Martin Scorsese, Francis Ford Coppola, Brian De Palma ou encore la carrière de Sergio Leone et celle plus récente de Quentin Tarantino sont autant d’exemples de l’influence étendue de la Méditerranée dans le cinéma. Cette influence se mesure à travers le couron- nement du film Mediterraneo (Salvatores, 1991), Oscar du meilleur film étran- ger en 1992, ou à l’intérêt du prolifique cinéaste lusitanien Manoel de Oliveira pour cette mer dont il rassemble les différentes populations le temps d’une tra- versée en bateau ( Un film parlé , 2003). Influence qui se perpétue, enfin, avec les films de Paolo Sorrentino, Matteo Garrone ou du documentariste Stefano Savona en Italie, de Pedro Almodovar et Alejandro Amenabar en Espagne, d’Emir Kusturica en Serbie et Danis Tanović en Bosnie, tous deux auréolés de Palmes d’or et d’Oscars, de Nadia Labaki et Danielle Arbid au Liban ou de Mohamed Diab et Yousry Nasrallah en Égypte. Autant d’auteurs capables de sublimer la

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