Cinéma | Gaertner, Julien

Cinéma 245 en évoquant à la fois l’histoire du cinéma et l’influence du dirigeant sur le contenu des films. Aux trois pôles originels succèdent donc de multiples points d’ancrage à la veille de la décolonisation, processus qui donne un nouvel élan au cinéma en Méditerranée. Inventé et popularisé sur la rive septentrionale, le cinématographe va désor- mais être utilisé par les auteurs maghrébins et notamment algériens. Au milieu des années 1950, des cinéastes français engagés aux côtés des combattants du Front de libération nationale ( fln ) tournent au milieu des combats. René Vautier et Yann Le Masson y réalisent plusieurs documentaires et fictions. Mais c’est un cinéaste italien, Gillo Pontecorvo, qui avec La Bataille d’Alger donne le ton des futurs longs métrages algériens. Couronné à la Mostra de Venise en 1966, le film donne naissance à un genre spécifique de la création algérienne, le « cinéma mou- djahid », littéralement cinéma de combat, dont Mohamed Lakhdar-Hamina et Ahmed Rachedi seront les représentants les plus en vue. Née au milieu de la guerre, la production cinématographique algérienne se concentre exclusive- ment sur cette lutte pour l’indépendance, devenue sujet imposé par un État qui nationalise le septième art. Le « cinéma moudjahid » trouve son point d’orgue avec la récompense accordée à Chronique des années de braise (Lakhdar-­ Hamina), fresque historique auréolée d’une Palme d’or à Cannes en 1975. Son auteur y avait déjà reçu une distinction, celle de la meilleure première œuvre pour Le Vent des Aurès (1966), premier long métrage de l’histoire du cinéma algérien. Loin des comédies musicales égyptiennes, ce cinéma se singularise par son attachement à décrire une histoire coloniale omniprésente dans les imagi- naires et que les cinéastes s’empressent d’exorciser. Le septième art est alors mis au service de l’affirmation d’une identité nationale, tout comme dans les deux anciens protectorats français. Les premiers films y évoquent eux aussi le colo- nialisme et ses séquelles, dans L’Aube (Khlifi, 1966) en Tunisie, et El Chergui (Smihi, 1975) au Maroc. Deux pays aux destinées cinématographiques dissem- blables avec le déclin du cinéma tunisien dans les années 1990 à la suite du désen- gagement de l’État, au contraire du dynamisme du cinéma marocain depuis le début des années 2000. Longtemps en retrait par rapport à son voisin algérien dont le réseau de salles s’est éteint et la production tarie avec la guerre civile, des réformes ont permis au Maroc de lancer des cinéastes tels que Faouzi Bensaïdi, Noureddine Lakhmari et son Casanegra sélectionné aux Oscars en 2008, Leïla Kilani ou Nabil Ayouch. Malgré ces évolutions divergentes – une urgence à raconter sa version de la guerre en Algérie et une émergence tardive puis un rebond au Maroc –, le cinéma maghrébin reste étroitement lié à l’ancienne puissance coloniale. Dans les trois pays du Maghreb, les aides à la production de longs métrages proviennent majo- ritairement des fonds de coopération français. Des aides ciblées en direction de

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