Cinéma | Gaertner, Julien

Cinéma 244 année zéro (Rossellini, 1948), une œuvre filmée dans les décombres de Berlin. Sous influence fasciste durant la guerre – la Mostra de Venise consacrant notam- ment des films de propagande antisémite comme Le Juif Süss (Harlan, 1940) –, le cinéma transalpin redevient un modèle pour les cinéastes du monde entier grâce à une esthétique novatrice. Avec La Terre tremble (1948) et Stromboli (1950), Luchino Visconti et Roberto Rossellini scellent le destin méditerranéen du néoréalisme respectivement en Sicile et sur l’île volcanique du même nom. Les îles méditerranéennes, Jean-Luc Godard s’y aventurera lui aussi, à Capri, pour tourner avec Brigitte Bardot et Michel Piccoli ce qui reste considéré comme l’une de ses plus grandes réussites, Le Mépris (1963). En l’espace de quelques années, le néoréalisme s’impose comme un courant esthétique majeur du cinéma mondial qu’il influence durablement. Car, outre Rossellini, Vittorio De Sica ( Le Voleur de bicyclette , 1948) et Giuseppe De Santis ( Riz amer , 1949) consacrent ce genre proche des « petites gens » plutôt que des étoiles du cinéma dont Federico Fellini, autre héritier du néoréalisme, met en scène la décadence dans sa célèbre Dolce Vita (1960) puis dans une autre œuvre maîtresse, Huit et demi (1963). Alors que le néoréalisme s’essouffle dans les années 1950, le cinéma italien rebon- dit non seulement sous l’influence de Federico Fellini, mais aussi sous celle de Sergio Leone qui exporte son savoir-faire à Hollywood. À ses premiers péplums ( Les Derniers Jours de Pompéi , 1959 ; Le Colosse de Rhodes , 1961) succèdent la Trilogie de l’homme sans nom entre 1964 et 1966, trois westerns au succès mondial qui révèlent l’acteur Clint Eastwood et la musique du compositeur Ennio Morricone. Des œuvres de référence dans lesquelles le réalisateur transfigure l’ Iliade , donnant à ses films le rythme, la longueur et le caractère épique de l’épopée antique grecque. Maisons de production, réseaux de salles, festivals, acteurs vedettes et cinéastes reconnus, le cinéma s’est rapidement structuré en Méditerranée. Mais si trois pays se distinguent particulièrement du début du xx e siècle aux années 1960, d’autres horizons s’ouvrent après la Seconde Guerre mondiale. Ainsi, entre Madrid et Paris, l’Espagnol Luis Buñuel bâtit une filmographie originale inspirée par le surréalisme qui le verra, quarante ans après ses débuts et des films comme Los Olvidados (1950), être consacré à la cérémonie des Oscars pour Le Charme discret de la bourgeoisie (1972). En Grèce, la production de films augmente nettement, fruit d’une collaboration étroite avec les puissants studios égyptiens jusqu’à l’in- dépendance du pays menée par Nasser en 1954. De même en Turquie, au début des années 1950, émerge une importante industrie du cinéma où prédominent les mélodrames à la mode égyptienne, genre à succès qui homogénéise la pro- duction en Méditerranée orientale. En Yougoslavie, l’arrivée au pouvoir de Tito en 1945 marque elle aussi une forte croissance de la production cinémato­ graphique, que relate le documentaire serbe Cinema Komunisto (Turajlic, 2010)

RkJQdWJsaXNoZXIy NDM3MTc=