Cartographie | Arnaud, Jean-Luc

Cartographie 216 en deux volumes, elles décrivent des ports et des rades de l’ensemble du bassin méditerranéen y compris la mer Noire. Mais, depuis la publication des premiers recueils de ports et rades, le monde de la navigation a connu deux transformations majeures. Tout d’abord, à la fin du xviii e siècle, les instruments et les modes de calcul, qui permettent d’évaluer la longitude d’une position maritime, se généralisent. Sur cette base, le repérage à vue revêt bien moins d’importance qu’auparavant. Pour leur part, le développe- ment des armements à vapeur, à partir des années 1850, et la croissance de la jauge des navires, qui s’ensuit, nécessitent le développement d’installations spécifiques. Compte tenu de leur coût, les ports qui en bénéficient sont peu nombreux ; ils concentrent le trafic au long cours et constituent des centres de redistribution vers les petites échelles voisines qui sont alors déclassées et fréquentées par les flottes locales seulement. Avec la vapeur, c’est toute l’organisation du transport qui change, la cartographie suit ces transformations ; le nombre de ports sus- ceptibles de recevoir les longs courriers diminue et la construction de digues et de quais y fait disparaître les dangers. Enfin, depuis que la France et l’Angleterre ont mis un terme définitif à la course, en 1815, depuis que les Anglais contrôlent Malte et les Français Alger, les côtes de Méditerranée ont de moins en moins de secrets. Dès le milieu du xix e siècle, on peut considérer que toutes les marines des grandes puissances ont une assez bonne connaissance de l’ensemble du bas- sin. En ce sens, il n’y a pratiquement plus d’enjeux concurrentiels fondés sur une différence des savoirs hydrographiques en Méditerranée. Toujours vers le milieu du xix e siècle, un changement des techniques d’imprimerie transforme la production et la diffusion des savoirs. Les progrès de la gravure sur acier per- mettent d’effectuer des tirages de plus en plus importants à des prix toujours plus bas ; cette modification du processus d’impression déclasse les plaques de cuivre qui circulaient entre les officines privées. Pour leur part, les éditeurs et les producteurs locaux ne sont pas en mesure de rivaliser avec les services hydro- graphiques français et anglais (Admirality) face à leur capacité de conservation, de mobilisation et de diffusion des connaissances. De la même manière que les plaques de cuivre, les officines privées des ports méditerranéens ne sont plus concurrentielles. En quelques décennies, on passe d’une connaissance détenue par des individus isolés à un savoir organisé dans le cadre de services d’État. La production est alors l’objet d’une normalisation dans ses formats, dans ses échelles de réduction, dans ses codes graphiques… À partir de ce moment-là, la produc- tion cartographique dédiée à la Méditerranée ne présente pas de spécificités. Son histoire se dissout dans celle, plus générale, de l’ensemble de la production des services hydrographiques des grandes puissances maritimes. Jean-Luc Arnaud

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