Cartographie | Arnaud, Jean-Luc

Cartographie 213 le contour des côtes – avec des vues en trois dimensions pour les édifices et les lieux remarquables. Elles sont souvent sommaires et parfois assez fantaisistes. Par ailleurs, les auteurs des manuscrits ont introduit de multiples variantes qui ressortissent à la production d’images plutôt qu’à la cartographie stricto sensu . De la même manière que pour le portulan, né en Méditerranée mais dont la forme a ensuite été adoptée pour rendre compte d’autres régions du monde, l’insulaire sort de Méditerranée à la faveur des grandes découvertes. À partir du début du xvi e siècle, les auteurs intègrent les nouvelles îles océanes à leurs volumes. Malgré cette évolution, l’insulaire reste un genre du siècle passé. Le fait qu’il soit le plus souvent manuscrit et de facture luxueuse, indique bien sa destination. Il devient désuet à la fin du xvi e siècle (en même temps que les cosmographies) lorsque les lecteurs ont des exigences de « vérité » qui ne cor- respondent plus ni au mode de cartographie, ni au mode de description – sou- vent très érudit et littéraire – adopté dans les insulaires. Les portulans et les insulaires sont tout d’abord des productions du monde chrétien. De leur côté, les Ottomans – installés à Istanbul depuis 1453 – déve- loppent leur marine et leurs instruments de navigation. Au début du xvi e siècle, l’amiral de la flotte ottomane – Piri Reis – dresse une description des mers et des côtes de Méditerranée qui ne compte pas moins de 214 feuillets et plusieurs cen- taines de dessins. En partant du détroit des Dardanelles, l’auteur décrit de manière méthodique et systématique tous les lieux d’intérêt pour un navigateur : les îles, les côtes et les ports. Bien qu’il utilise des insulaires comme en témoigne la fac- ture de ses représentations, ses textes ne reprennent pas les multiples digressions et éléments légendaires de ces sources ; ils sont essentiellement géographiques. Piri Reis est aussi à l’origine de la plus ancienne mappemonde connue qui repré- sente la côte orientale de l’Amérique de Sud. À ce moment-là, Istanbul est un important centre de production et d’échanges cartographiques en Méditerranée. Les cartographes, les traducteurs et les miniaturistes y travaillent en étroite col- laboration. Mais la production ottomane est de courte durée, elle ne résiste pas au développement de l’imprimerie en Europe ni à la destruction de la marine impériale à la bataille de Lépante en 1571. Les profils Les portulans et les insulaires, chacun à leur échelle de réduction, sont tout d’abord des représentations des lignes de côte. Celles-ci sont figurées en projection ver- ticale suivant un point de vue situé dans la sphère céleste. Pour sa part, le point de vue du marin est très différent. Depuis un navire, à l’approche de la terre, la côte se signale en premier lieu par une émergence au-dessus de l’horizon qui ne

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