Capitulations | Kenbib, Mohammed

Capitulations 202 Capitulations L’interpénétration de considérations politico-religieuses, juridiques, commerciales, douanières et autres dans la mise en place du régime dit « des Capitulations » est particulièrement complexe. Le terme même sous lequel ce régime est désigné prête à confusion. Étymologiquement, il dérive de caput-capitulum qui, dans la basse latinité, signifiait simplement « tête de chapitre » et « clause ». Dans son acception courante, il suppose, au contraire, deux parties contractantes, dont l’une en état d’infériorité, stipulant sur leurs intérêts dans le cadre de « traités iné- gaux ». Or, au xvi e , xvii e et même au xviii e siècle, époques au cours desquelles les Capitulations ont joué un rôle essentiel dans la facilitation des échanges en Méditerranée, le déséquilibre des forces entre les États européens et les pays de la région dits « hors Chrétienté » n’était pas encore totalement consommé. Outre la puissance des Ottomans, en témoignent, par exemple, les tributs que la Suède et le Danemark versaient au Maroc pour prémunir leur marine contre les attaques des corsaires salétins. De fait, c’est en toute souveraineté que les sultans ottomans (à commen- cer par Selîm I er , Soliman le Magnifique et Selîm II) ont consenti des privi- lèges juridiques et fiscaux aux ressortissants des « nations chrétiennes » établis sur leur territoire, plus particulièrement dans les fameuses Échelles du Levant. Les souverains marocains ont adopté la même orientation. Moulay Ismaïl a ainsi scellé le traité dit « de Saint-Germain » conclu avec la France en 1682. Mohamed ben Abdallah a, quant à lui, signé en 1767 à Marrakech deux trai- tés qui constituent la pierre angulaire du régime capitulaire au Maroc. Parce qu’il était commode, pareil régime existait d’ailleurs même sous des dynasties réputées pour leur rigorisme religieux. Aux xii e et xiii e siècles, les Almohades avaient ainsi octroyé des privilèges de type « capitulaire » à des cités italiennes telles que Pise et Gênes, et laissé leurs marchands s’établir à Sebta, Tunis et dans d’autres ports de leur empire. Compte tenu des exigences de la coexistence en période de paix, de la néces- sité de stimuler les échanges et celle d’accroître les revenus douaniers pour éviter

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