Camus, Albert | Fabre, Thierry

Camus, Albert 201 résumerai au contraire l’état actuel de la politique algérienne en disant qu’ils le désiraient effectivement, mais qu’ils ne le désirent plus. Quand on a longtemps vécu d’une espérance et que cette espérance a été démentie, on s’en détourne et l’on perd jusqu’au désir. C’est ce qui est arrivé avec les indigènes algériens, et nous en sommes les premiers responsables. » Camus n’est pas aveugle, il pressent que son rêve méditerranéen est devenu caduc avec l’affirmation des mouvements nationaux. Le temps du syncrétisme, d’une forme de cosmopolitisme méditerranéen, d’un possible alliage entre les cultures dont la Méditerranée pourrait être le territoire symbolique, n’est plus possible avec la violence qui vient et avec la guerre qui s’affirme en Algérie. Il cherche, à un moment, une possible « troisième voie » pour essayer de sortir de la logique de guerre, mais il n’est pas entendu et il se tiendra alors dans une forme de silence, blessé. Sa Méditerranée n’est plus qu’un souvenir d’enfance, elle ne peut plus être un projet politique pour une Algérie nouvelle. L’espace de l’entre-deux que la Méditerranée signifiait a perdu de sa consistance et de sa rai- son d’être, à une époque où règne avant tout le face à face. Mais au-delà, la Méditerranée demeure toujours, pour Camus, un lieu et une source d’inspiration, un territoire d’écriture qui n’est pas aboli, bien au contraire. Elle est devenue son « arrière-pays ». Le Premier Homme , livre posthume dont on retrouve les pages dans sa serviette après l’accident mortel de voiture, le 4 janvier 1960, annonce un autre monde à écrire. Des retrouvailles avec l’amont et avec ses sources lointaines… Paysage sensible, horizon de pensée et combat politique, la Méditerranée de Camus se retrouve au moins dans ces trois visages. C’est une Méditerranée qui n’existe que pour autant qu’elle se raconte, elle est faite de récits, d’un palimp- seste de récits qui se répondent et qui se parlent, qui s’entrelacent et se dénouent dans des œuvres nouvelles. Camus est sans conteste un des grands fondateurs de cette identité narrative. Thierry Fabre ➤➤ Colonisation, cosmopolitisme, eau (ressources et usages), empires coloniaux, fascisme, îles, mer Mots-clés Alger, cosmopolitisme, guerre, nihilisme, pensée de midi, philosophie, projet politique, rêve méditerranéen

RkJQdWJsaXNoZXIy NDM3MTc=