Biodiversité | Médail, Frédéric

Biodiversité 183 et in fine de mieux assurer le maintien des processus évolutifs et fonctionnels. Les premières études réalisées sur les oiseaux nicheurs de France ou les poissons méditerranéens (planches XX-XXII) montrent la faible congruence des patrons spatiaux relatifs aux trois types de diversité (taxonomique, fonctionnelle et évo- lutive). Deux régions peuvent ainsi comporter la même richesse en espèces mais posséder des diversités évolutives ou fonctionnelles très différentes, ce qui aura des conséquences dans les stratégies de conservation à mettre en place. Dans une optique de conservation évolutive et biogéographique de la biodi- versité, l’étude des variations spatiales des tempos évolutifs vise à identifier les secteurs biogéographiques les plus diversifiés sur le plan phylogénétique. Des résultats récents portant sur la structuration de la diversité génétique de la sabline de Provence, petite plante endémique restreinte des massifs littoraux de basse Provence, montrent que des diversifications et adaptations locales nettes peuvent se produire en l’espace de quelques dizaines de kilomètres, et sont le fruit d’évé- nements relativement récents survenus au début du pléistocène, il y a environ 1,8 Ma. Identifier les secteurs d’hyper-diversification et les confronter aux zones refuges représente ainsi une démarche proactive de conservation, afin de préser- ver au mieux les secteurs clés pouvant garantir les processus évolutifs du futur. On cherche aussi à mieux comprendre la place de la biodiversité dans le fonc- tionnement des systèmes écologiques et à quantifier sa valeur économique, grâce en particulier à la notion de « service écosystémique ». Certes, monétariser la bio- diversité soulève bon nombre de questions éthiques, et les outils d’évaluation éco- nomique s’adaptent encore mal aux échelles spatio-temporelles utilisées en écologie et aux interactions intersystèmes, difficilement quantifiables. Toutefois, déconnec- ter la préservation de la nature des grands processus socio-économiques a conduit à maints échecs, et ce champ reste entièrement à explorer en Méditerranée. Depuis des millénaires, la place de l’homme est centrale dans l’environne- ment méditerranéen, et, par ses impacts et sa gestion, il a modifié la dynamique des écosystèmes et leurs biodiversités. Ainsi, si le bassin méditerranéen constitue un hotspot de biodiversité, il est aussi devenu un hotspot de croissance démogra- phique. Dès lors, seule une approche d’écologie globale, depuis les gènes jusqu’aux paysages écologiques, mais qui considère aussi la biodiversité méditerranéenne comme partie intégrante des planifications socio-économiques, sera susceptible d’enrayer l’érosion de ce capital unique. Intégrer les changements environnemen- taux futurs dans une gestion durable de l’espace biologique méditerranéen repré- sente un véritable défi, à la fois pour les écologues et les chercheurs en sciences sociales, et plus généralement pour l’ensemble de la société. Frédéric Médail

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