Biodiversité | Médail, Frédéric

Biodiversité 181 éléphants nains qui mesuraient moins d’un mètre au garrot, avec des cervidés de petite taille en Corse, Sardaigne ou Crète. Cette faune endémique a disparu à la fin des grandes glaciations, et les données restent trop parcellaires pour impu- ter clairement à l’homme ces extinctions massives. De plus petits mammifères avaient, au contraire, des tailles supérieures aux espèces actuelles voisines : un grand lérot à Majorque, de grands campagnols, mulots, souris et musaraignes en Corse, Sardaigne, Crète et Chypre… À l’exception de la musaraigne crétoise, toute cette faune a aujourd’hui disparu, mais de façon progressive et après les premières colonisations par l’homme. Le cas du « lapin-rat » (Prolagus) est bien connu : intensément chassé et consommé par les chasseurs mésolithiques, il dis- parut de Corse et de Sardaigne au cours du I er millénaire de notre ère. Des chan- gements profonds de paysage, consécutifs aux défrichements agropastoraux, et l’introduction fortuite ou volontaire de vertébrés liés à l’homme ont eu raison de ces faunes endémiques insulaires : la vague de néolithisation liée à l’homme, entre le VIII e et le V e millénaire, a ainsi provoqué un renouvellement complet des mammifères terrestres à Chypre, en Corse ou à Majorque. La néolithisation a aussi conduit à la domestication de nombreux végétaux et animaux, accom- pagnée d’une diversification empirique, puis au transfert fortuit ou non de multiples espèces depuis le Croissant fertile du Moyen-Orient jusqu’aux rives occidentales de la Méditerranée. Par exemple, l’étude de l’ adn ancien des os de chèvre sauvage montre que cette espèce, domestiquée il y a environ 10 500 ans en Mésopotamie, a été transférée par l’homme via la « route néolithique médi- terranéenne » jusqu’aux côtes espagnoles où on la retrouve 3 000 ans plus tard. Ces multiples impacts humains se sont exacerbés et généralisés depuis 2 000 ans. De nos jours, parmi les régions de plus forte biodiversité du globe, le bassin méditerranéen arrive dans le peloton de tête pour la densité moyenne d’ha- bitants, avec plus de 110 personnes par kilomètre carré. La population résidente des pays bordant la Méditerranée est passée de 225 millions en 1950 à 450 mil- lions en l’an 2000 ; elle devrait atteindre 550 millions en 2025 et 600 millions en 2050. Cent trente-cinq millions d’habitants vivent le long des 25 000 kilo- mètres du littoral méditerranéen, dont environ la moitié est fortement urbanisée. S’ajoute un nombre massif de touristes saisonniers qui représentent 275 mil- lions de personnes chaque année, soit un tiers du tourisme mondial, concen- trées pour l’essentiel sur le littoral. Les modifications et menaces les plus fortes sur la biodiversité pèsent sur les écosystèmes littoraux et les zones humides, habitats subissant de plein fouet le résultat des frénétiques politiques d’urbanisation et leur corollaire (fragmenta- tion des milieux, surexploitation des ressources en eau et des terres agricoles, pollutions, invasions biologiques). Selon l’Observatoire des zones humides médi­ terranéennes, cette région a perdu au moins la moitié des zones humides encore

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